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grands événements, sans qu’il lui soit possible de descendre jusqu’aux causes souvent minimes qui les ont non-seulement préparés, mais encore fait éclore.

Souvent, après une longue route, le voyageur, fatigué des vastes horizons qui se déroulent incessamment devant lui, étourdi par l’air trop vif des hauteurs sur lesquelles il s’est constamment maintenu, abaisse les yeux vers les plaines, et son regard se repose avec un bien-être indéfinissable sur les modestes points de vue que d’abord il avait dédaignés. Ainsi le romancier s’arrête aux épisodes familiers du grand poëme et se prend à écouter les récits naïfs que lui font les anciens auteurs des scènes indiquées seulement par l’histoire, récits qui complètent l’aride et sévère narration des grandes guerres, et que les historiens n’osent rapporter.

Il est vrai que, dans ces récits, l’ignorance se montre presque toujours et la prévention bien souvent, mais on y trouve la vie ; car si le peuple raconte inexactement ce qui a été, du moins il dit franchement ce qu’il a senti, ce qu’il a entendu et ce qu’il a vu, et les erreurs que parfois il commet sans le vouloir ne sont pas des mensonges, mais des vérités relatives qu’il est du devoir du romancier de classer et de remettre à leur place.

Nous avons visité à plusieurs reprises l’étroit défilé où les rôdeurs de frontières et les Mexicains se livrèrent le combat que nous avons rapporté dans notre précédent ouvrage[1]. C’est penché sur le précipice, l’œil fixé sur l’abîme béant au-dessous de

  1. Voir les Rôdeurs de frontières, 1 vol. in-12. Amyot, éditeur, rue de la Paix, 8, à Paris.