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LES FRANCS TIREURS.

Le brave pulquero se mit sur le seuil de sa porte et suivit des yeux aussi longtemps qu’il les put appercevoir les étranges visiteurs qui pendant la nuit entière étaient restés dans sa maison ; puis il rentra chez lui en hochant la tête d’un air pensif et en murmurant tout en faisant sauter dans sa main la pièce d’or qu’il avait reçue :

— Tout cela n’est pas clair : un homme qui est une femme, des amis qui ne se reconnaissent pas après avoir causé deux heures ensemble, c’est diablement louche ; pour sûr il se prépare quelque chose. Du diable si je m’en mêlerai : il est bon dans certaines circonstances de savoir retenir sa langue ; d’ailleurs ce n’est pas mon affaire, l’or que l’on m’a donné est bon, je ne dois pas voir plus loin.

Fort de ce raisonnement philosophique et rempli de prudence, le pulquero ferma la porte et alla se coucher afin de rattraper pendant le jour le sommeil que ses singulières pratiques lui avaient fait perdre pendant la nuit.



XIX

EN MER.


Il était environ quatre heures du matin ; l’aube commençait à iriser l’horizon de larges bandes blanchâtres ; à l’extrême ligne bleue des flots, un reflet d’un rouge vif, précurseur du lever du soleil, annonçait que le jour n’allait pas tarder à paraître.

En ce moment un léger brick sortit peu à peu de l’épais nuage de brume qui le cachait et apparut