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— Ah bah ! fit le moine, qui donc ?

L’indien sembla ne pas entendre cette question et continua :

— Bien souvent le guerrier Peau-Rouge s’est trouvé par les hasards de la chasse amené à peu de distance de son ami, mais jamais assez près pour s’en faire reconnaître.

— C’est jouer de malheur.

— Le chef, voudrait voir son ami fumer, avec lui le calumet de l’amitié, assis au feu du conseil, en causant des anciens jours et de l’époque où tous deux, enfants de la même tribu, parcouraient les sentiers des territoires de chasse de la nation redoutée du sachem.

— Ce chasseur est donc un Indien ?

— Non, c’est un Visage-Pâle, mais si sa peau est blanche, le Grand-Esprit a mis un cœur indien dans sa poitrine.

— Mais pourquoi, si le chef sait où est son ami, ne va-t-il pas franchement le trouver ? Celui-ci serait probablement heureux de le revoir.

À cette insinuation à laquelle il était loin de s’attendre, les sourcils du chef se froncèrent et un nuage obscurcit pendant quelques instants son visage, mais le moine était trop peu observateur pour remarquer cette émotion : il avait fait cette question comme il en aurait fait une autre, sans aucune intention, simplement pour répondre et prouver ainsi au chef qu’il l’écoutait attentivement.

Au bout de quelques secondes, le Peau-Rouge reprit cette impassibilité dont les Indiens ne se dépouillent que fort rarement et lorsqu’ils sont complétement pris à l’improviste, et repartit :