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noisement surveillé leurs mouvements, ne s’était laissé qu’avec circonspection aller au sommeil, et n’avait dormi que d’un œil ainsi qu’on a coutume de le dire vulgairement.

Il fut donc au premier signal prêt à répondre à l’appel du chef indien avec une vivacité qui amena un sourire équivoque sur les traits austères de celui-ci.

Les Peaux-Rouges sont naturellement physionomistes. Malgré la tranquillité que le moine affectait, le Renard-Bleu avait, à certains signes qui ne trompent jamais, deviné l’inquiétude secrète qui intérieurement le dévorait.

— Mon père a bien dormi ? demanda l’Indien de sa voix rauque ; le Wacondah l’aime, il a veillé sur son sommeil et a éloigné de ses songes Nyang le génie du mal.

— J’ai fort bien dormi, en effet, chef, et je vous remercie de la cordiale hospitalité qu’il vous a plu de m’offrir.

Un sourire plissa les lèvres de l’Indien. Il reprit :

— Mon père est un des chefs de la prière de son peuple, le dieu des Visages-Pâles est puissant, il protège ceux qui se vouent à son service.

Cette phrase n’avait pas besoin de réponse, le moine se contenta à tout hasard de s’incliner affirmativement.

Cependant son inquiétude croissait ; sous les paroles doucereuses du chef, il lui semblait entendre les sourds miaulements du tigre se pourléchant avant de dévorer la proie qu’il tient haletante dans ses griffes puissantes.

Fray Antonio n’avait même pas la ressource de