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Heureusement pour fray Antonio, le soin qu’il avait pris d’entasser du bois amortit en grande partie sa chute, qui sans cela aurait probablement été mortelle, mais le saisissement qu’il avait éprouvé avait été tellement fort qu’il perdit complètement connaissance.

La syncope du moine fut longue ; lorsqu’il reprit connaissance et qu’il rouvrit les yeux, il jeta un regard effaré et se crut en proie à un horrible cauchemar.

Il n’avait pas bougé de place pour ainsi dire ; il se trouvait toujours auprès de l’arbre que pendant si longtemps il avait vainement essayé d’escalader, mais il était étendu auprès d’un immense brasier, sur lequel rôtissait la moitié d’un daim, et tout autour de lui, accroupis sur leurs talons, se trouvaient une vingtaine de Peaux-Rouges, qui fumaient silencieusement leurs calumets, tandis que leurs chevaux, entravés à quelques pas et prêts à être montés, broyaient leur provende à pleine bouche.

Fray Antonio avait plusieurs fois déjà vu des Indiens ; il avait même à plusieurs reprises été en relations assez suivies avec eux pour connaître un peu leurs habitudes.

Ceux-ci étaient revêtus de leur grand costume de guerre, et à leurs cheveux relevés ainsi qu’à leurs longues lances cannelées il était facile de les reconnaître pour des Indiens Apaches.

Le moine frissonna intérieurement. Les Apaches sont renommés pour leur cruauté et leur fourberie. Le pauvre fray Antonio était tombé de Charybde en Scylla ; il n’avait évité d’être dévoré par les bêtes