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rendu le pauvre moine victime, avait surtout répandu une teinte de tristesse plus sombre sur son esprit jadis si gai ; un morne découragement s’était emparé de lui, et ce n’était que d’un pas lourd et incertain qu’il fuyait à travers la forêt, bien que, excité par les bruits du combat qui arrivaient encore à son oreille, il se hâtât de s’éloigner, de crainte, si les Peaux-Rouges étaient vainqueurs, de tomber entre leurs mains.

La nuit surprit le pauvre fray Antonio quand il n’avait pas encore atteint la lisière de cette forêt, qui lui semblait interminable.

Peu industrieux de sa nature et pas du tout habitué à la vie du désert, le moine se trouva fort embarrassé quand il vit le soleil disparaître à l’horizon, dans des flots de pourpre et d’or, et les ténèbres couvrir presque instantanément la terre.

Sans armes, sans moyen de faire du feu, à demi mort de faim et d’inquiétude, le moine jeta autour de lui un long regard de désespoir et se laissa aller sur le sol en poussant un sourd gémissement.

Il ne savait littéralement à quel saint se vouer.

Cependant, au bout de quelques instants, l’instinct de la conservation personnelle prit le dessus sur le découragement, et le moine, dont les dents claquaient de terreur en entendant résonner dans les profondeurs de la forêt les rauquements lugubres des fauves, qui commençaient à s’éveiller et saluaient à leur manière le retour désiré de l’ombre, se releva avec une énergie fébrile, et en proie à cette surexcitation nerveuse que donne la crainte poussée à un certain degré, il résolut de profiter