Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mençons ce chapitre, tandis qu’il se glissait discrètement et silencieusement à travers les arbres, laissant l’homme qui l’avait secouru et probablement lui avait sauvé la vie se débattre comme il le pourrait avec la nuée de Peaux-Rouges qui l’assaillaient, et contre lesquels il aurait sans doute grand’peine à se défendre.

Fray Antonio n’était pas un lâche, loin de là : en plusieurs circonstances critiques il avait fait preuve d’une véritable bravoure ; mais c’était un homme auquel l’existence qu’il menait offrait d’énormes avantages et d’incalculables douceurs ; la vie lui paraissait bonne, et il faisait tout ce qu’il pouvait pour la passer joyeuse et exempte de soucis ; aussi, par respect pour lui-même, était-il d’une prudence extrême, ne faisant face au danger que lorsqu’il le fallait absolument, mais alors, comme tous les hommes poussés à bout, il devenait terrible et réellement redoutable à ceux qui, d’une façon ou d’une autre, avaient provoqué chez lui cette explosion de colère.

Au Mexique, et généralement dans toute l’Amérique espagnole, le clergé ne se recrutant que dans la classe pauvre de la population, n’est composé que d’hommes d’une ignorance crasse, et pour la plupart d’une moralité plus que douteuse. Les ordres religieux, qui forment près d’un tiers de la population, vivant presque indépendants de toute sujétion et de tout contrôle, reçoivent dans leur sein des gens de toutes sortes, pour lesquels l’habit religieux qu’ils endossent est un manteau à l’abri duquel ils se livrent en toute liberté à leurs vices, dont les plus mignons sont, sans contredit, la paresse, la luxure et l’ivrognerie.