Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais le Canadien ne se rebuta pas. Au fait de toutes les ruses indiennes, connaissant la patience sans bornes des Peaux-Rouges, il continua à se tenir sur ses gardes ; seulement, comme il soupçonnait que dans l’ombre des regards investigateurs étaient fixés sur lui, et épiaient ses moindres mouvements, Tranquille bâilla à deux ou trois reprises, comme s’il eût été accablé de sommeil, ramena sur ses genoux la main posée sur le canon du rifle, et feignant de ne pouvoir résister à la fatigue, il laissa tomber sa tête sur sa poitrine par un mouvement naturel.

Rien ne bougea.

Une heure s’écoula sans que le moindre bruit troublât le silence de la forêt.

Tranquille cependant était persuadé de ne s’être pas trompé.

Le ciel s’éclaircissait peu à peu, la dernière étoile avait disparu, l’horizon prenait ces teintes rouges d’incendie qui précèdent immédiatement l’apparition du soleil ; le Canadien, lassé de cette longue attente et ne sachant à quoi attribuer cette inaction des Peaux-Rouges, résolut de savoir enfin à quoi s’en tenir et d’avoir le mot de cette énigme.

En conséquence, il se redressa brusquement, saisit son rifle et se leva.

Au moment où il se préparait à aller en découverte, un bruit de pas assez rapproché, mêlé à un froissement de feuillages et à un bris de branches sèches, vint frapper son oreille.

— Ah ! ah ! murmura le Canadien, il paraît qu’ils se décident enfin ; voyons donc quels sont ces voisins incommodes.

Au même instant une fraîche voix de femme