— Oh ! bien facilement ; je suis allé tout simplement trouver le Chat-Tigre, auquel j’ai signifié qu’il ne me plaisait pas de voyager plus longtemps en sa compagnie. Notre homme fut étourdi de cette déclaration énergique, il ne trouva rien à répondre ; moi, je n’avais rien de plus à lui dire, au premier angle du chemin je le laissai là, et me voilà.
— Vous avez eu une excellente idée, mon ami, dont je vous remercie sincèrement ; maintenant, à votre avis, que devons-nous faire ? j’ai donné ma parole.
— Allons donc, cher ami, vous êtes fou, est-ce que l’on est obligé, avec des gens de cette espèce, à tenir une parole qui n’a été extorquée que dans le but de nuire ? Si vous m’en croyez, vous partirez à l’instant, au contraire, afin de déjouer par votre présence inattendue les nouvelles machinations que cet homme pourra ourdir.
— Oui, oui ! s’écria vivement doña Hermosa, Estevan a raison, suivons son conseil : partons, partons !
— Partons, puisque vous le voulez, dit don Fernando ; pour ma part, je ne demande pas mieux que de m’éloigner de cette grotte maudite, mais comment ferons-nous traverser la forêt à doña Hermosa ?
— De la façon dont je l’ai traversée déjà, répondit-elle résolument.
— Expliquez-vous, dit Estevan.
— Sur une espèce de brancard qui doit être ici encore, et que deux hommes portaient : vous savez que les serpents, surtout ceux de la petite espèce, ne s’élancent pas bien haut.
— C’est vrai : du reste, nous aurons le soin de vous envelopper dans une robe de bison, de cette façon vous serez à l’abri de tout danger.
Don Estevan se mit immédiatement en quête du brancard, qu’il retrouva facilement. Pendant ce temps-là, don Fernando préparait, de son côté, la robe de bison : tout fut prêt en quelques minutes.
— Nous sommes dans les conditions du traité, dit en souriant Estevan à son ami.
— Comment cela, répondit celui-ci, que voulez-vous dire ?
— N’êtes-vous pas convenu de vous trouver aujourd’hui seulement à votre campement ?
— C’est vrai, répondit don Fernando, cela nous aurait été impossible, si nous n’étions partis qu’à l’heure fixée.
— Hum ! qui sait si le Chat-Tigre ne comptait pas un peu là-dessus, répondit don Estevan.
Cette observation donna à réfléchir à nos trois personnages, qui continuèrent leur voyage sans reprendre la conversation si promptement interrompue.