à gauche de la malade, afin de veiller sur elle et de la garantir des branches d’arbres et des lianes.
Sur un signe muet de l’inconnu, qui était remonté à cheval, la petite troupe
se mit lentement en marche.
Au lieu de rentrer dans la forêt, l’inconnu continua de s’avancer vers le
monticule dont bientôt on atteignit le pied ; un étroit sentier serpentait le long
de ses lianes par une pente assez douce. La petite troupe s’y engagea sans
hésiter.
Ils montèrent ainsi pendant quelques minutes, suivant à une longueur de
dix ou quinze mètres l’inconnu qui marchait seul en avant. Soudain, arrivé à
un angle du chemin derrière lequel le guide avait déjà disparu, un sifflement
tellement aigu s’éleva dans l’air que les Mexicains tressaillirent et s’arrêtèrent malgré eux, ne sachant s’ils devaient avancer ou reculer.
— Qu’est-ce que cela signifie ? murmura don Pedro avec inquiétude.
— Sans doute quelque trahison, répondit le capataz en jetant autour de lui
un regard investigateur.
Mais tout était calme autour d’eux ; rien en apparence n’était changé dans
le paysage, qui paraissait toujours aussi solitaire.
Cependant, à peine quelques minutes s’étaient-elles écoulées que plusieurs
sifflements semblables au premier qu’ils avaient entendu, mais beaucoup plus
éloignés, s’élevèrent dans différentes directions à la fois, répondant évidemment au signal qui leur avait été fait.
En ce moment, l’inconnu reparut ; son visage était en proie à une vive
émotion.
— C’est vous qui l’avez voulu, dit-il, je me lave les mains de ce qui arrivera.
— Dites au moins quel péril nous menace ? répondit don Pedro avec agitation.
— Eh ! fit-il d’un ton de colère sourde, le sais-je moi-même ? D’ailleurs, à
quoi cela vous avancerait-il de le savoir ? en seriez-vous moins perdu pour
cela ? Vous avez refusé de me croire. Maintenant priez Dieu qu’il vous aide,
car jamais danger plus terrible ne vous a menacé que celui qui en ce moment
est suspendu sur votre tête !
— Pourquoi ces perpétuelles réticences ? Soyez franc ; nous sommes des
hommes, vive Dios ! et, quelque grand que soit ce péril, nous saurons bravement l’affronter.
— Vous êtes fou : un homme en vaut-il cent ? vous succomberez, vous
dis-je ? Mais vous n’avez de reproches à adresser qu’à vous-même, c’est vous
qui vous êtes obstiné à braver le Chat-Tigre dans sa tanière.
— Oh ! s’écria l’haciendero avec un frisson de terreur, quel nom avez-vous
prononcé là ?
— Celui de l’homme entre les mains duquel vous êtes en ce moment.
— Eh quoi ! le Chat-Tigre, ce redoutable bandit, dont les crimes sans nombre épouvantent le pays depuis si longtemps, cet homme qui semble doué d’un pouvoir diabolique pour l’accomplissement des forfaits odieux dont il se souille sans cesse, ce monstre est près d’ici.