Page:Aimard - Les Chasseurs d’abeilles, 1893.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
LES CHASSEURS D’ABEILLES

maintenant, la paix était faite entre vous, que vous étiez le meilleur de ses amis, et me pria de garder les cent piastres pour m’indemniser du dérangement qu’elle m’avait causé.

— Était-ce donc avec cette personne que tu avais rendez-vous ce soir ?

— Oui ; je la quitte à l’instant même.

— Très bien ! Continue, compadre.

— Donc, caballero, maintenant que cette affaire est terminée à mon honneur, je m’en flatte, me voilà libre de suivre mes inclinations, et tout à vous, si vous voulez m’employer.

— Je ne dis pas non ; peut-être aurai-je besoin de toi d’ici à quelques jours.

— Vous ne vous repentirez pas de m’employer, señor ; vous serez toujours sûr de me rencontrer chez…

— Ne t’occupes pas de cela ! interrompit vivement don Fernando ; quand le moment sera venu, je te trouverai.

— À votre aise, señor ; maintenant, permettez-moi de prendre congé de vous, ainsi que de cet honorable caballero, votre ami.

— Au revoir, Zapote ! bon voyage !

Le lepero continua allègrement sa route.

— Señor, dit alors don Estevan, dans quelques minutes nous arriverons au rancho que j’habite avec ma mère ; je serais heureux de vous offrir un abri pour cette nuit.

— Je vous rends grâce de cette courtoisie, j’accepte de grand cœur ; ce rancho est-il éloigné de las Norias ?

— D’une lieue à peine ; s’il faisait jour, vous apercevriez d’ici les hautes murailles de l’hacienda ; permettez-moi de vous servir de guide pour arriver à ma pauvre demeure.

Les cavaliers appuyèrent alors sur la gauche, et s’engagèrent dans un large sentier bordé d’aloès ; bientôt les aboiements assez rapprochés de plusieurs chiens de garde et deux ou trois lumières qu’ils virent briller dans l’ombre leur apprirent qu’ils ne tarderaient pas à atteindre le but de leur longue course.

En effet, après avoir marché environ dix minutes, ils se trouvèrent devant une maison assez petite, mais d’apparence confortable, sous le zaguan de laquelle plusieurs personnes armées de torches semblaient attendre leur arrivée.

Ils s’arrêtèrent devant le péristyle, mirent pied à terre et, après avoir confié leurs chevaux à un peon qui les emmena, ils entrèrent dans la maison, don Estevan précédant son hôte, afin de lui faire les honneurs de sa demeure.

Ils se trouvèrent alors dans une chambre assez vaste, meublée de quelques butacas, de quelques equipales et d’une table massive sur laquelle le couvert était mis pour plusieurs personnes ; les murs de cette chambre, blanchis à la chaux, étaient garnis de six ou huit tableaux affreusement enluminés, représentant les saisons, les cinq parties du monde, etc.

Une femme d’un certain âge, vêtue avec une certaine recherche et dont les