— Puisqu’il arrive demain.
— Qui vous l’a dit, niña ?
— Mais vous, tout à l’heure.
— Allons, je vois qu’il est impossible de rien vous cacher.
— Ainsi… fit-elle en souriant.
— Je voulais vous surprendre, mais vous savez si bien m’arracher mes secrets du cœur, qu’il n’y a pas moyen de vous résister, j’aime mieux tout vous dire tout de suite.
— Oui, dites, dites.
— La Madre-de-Dios, au lieu de deux passagers, en emmènera trois, je pars avec vous.
— Dieu soit béni ! s’écria-t-elle avec joie.
— Et maintenant qu’il ne me reste plus rien à vous apprendre, niña, excusez-moi de vous avoir tenu si longtemps éveillée : il est plus de onze heures du soir, je me retire. Que la Vierge et les anges veillent sur votre sommeil, chère enfant ; bonsoir ; surtout, fermez bien cette fenêtre ; allons, à demain.
Il sortit ; la jeune fille l’accompagna jusque dans le jardin.
— Ainsi, dit-elle à haute voix, dans le but sans doute d’être entendue par Philippe, si par hasard il était encore là, c’est bien à Maracaïbo que nous nous rendons ?
— Oui, niña, à Maracaïbo et non à Panama ; mais rentrez, ne demeurez pas plus longtemps dehors, les soirées sont mortelles, vous le savez.
— Je rentre, mon ami.
— Je ne partirai que lorsque je vous aurai vue fermer votre fenêtre.
— C’est ce que je vais faire à l’instant.
— À propos, si vous entendez cette nuit du bruit dans le jardin, ne vous inquiétez pas, j’ai coutume de faire plusieurs rondes. Allons, rentrez, et bonsoir.
— Bonsoir.
La jeune fille poussa les deux battants de la porte et s’enferma à triple verrou. Don Fernando s’enveloppa alors dans son manteau et sortit du jardin, dont il ne ferma que négligemment la grille derrière lui, jugeant inutile de prendre plus de précaution, puisqu’il devait revenir bientôt faire sa ronde habituelle.
Du reste, ce n’était pas de ce côté qu’il redoutait une surprise.
Une demi-heure se passa ; Philippe attendait avec anxiété que la porte de doña Juana se rouvrît ; mais son attente fut trompée, rien ne bougea, la porte demeura close, et bientôt la lumière s’éteignit.
La jeune fille croyait l’aventurier parti depuis longtemps déjà.
Philippe poussa un soupir de résignation et regagna le bosquet, où il retrouva Pitrians faisant bonne garde, mais commençant à s’inquiéter sérieusement d’un séjour aussi prolongé au milieu de la forteresse ennemie ; en effet, une imprudence, un hasard quelconque, suffisaient pour faire découvrir les trois aventuriers ; et, découverts, ils étaient perdus.
Ainsi qu’il l’avait promis au chevalier, Philippe resta dans le bosquet, ne voulant pas s’éloigner avant son retour.