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— J’attends, messieurs, dit-il, que vous me disiez si vous avez trouvé les hommes dont nous avons besoin pour tenter l’expédition.

— Cela n’a pas été difficile, répondit Pierre Legrand, nous avons plus d’hommes qu’il ne nous en faut.

— Mais cela ne suffit pas, fit observer le chevalier de Grammont.

— D’autant plus, ajouta Montbars, que, depuis que les Espagnols se sont rendus maîtres de l’île, comme ils ont parfaitement compris l’importance de cette position, ils ont considérablement augmenté les fortifications, ont mis une nombreuse garnison dans l’île.

— Sans compter, interrompit Drack, que cette garnison est commandée par un brave officier, don Fernando d’Avila. Je le connais, moi, c’est un rude soldat, il se fera tuer plutôt que de se rendre.

— Eh bien ! on le tuera, répondit brutalement Michel le Basque.

— Pardieu ! fit Drack, ceci ne fait pas de doute ; mais il nous donnera force besogne avant cela.

— Comment obtenir des renseignements exacts sur l’état des fortifications de l’île ? demanda M. d’Ogeron, cela me semble très difficile.

— Il y a un moyen, dit alors Philippe.

— Lequel ?

— C’est de s’introduire dans l’île, parbleu ! fit en riant le jeune homme.

— Est-ce vous qui vous chargeriez de vous y introduire ? dit aigrement Grammont.

— Pourquoi pas ? répondit-il.

— Tête et sang ! s’écria Grammont, je jure que si vous tentez cette folie, je vous accompagnerai, ne serait-ce que pour être témoin de la façon dont vous vous en sortirez.

— Paix ! messieurs, dit en s’interposant M. d’Ogeron, parlons sérieusement, je vous en prie.

— Mais je vous assure, mon oncle, répondit le jeune homme, que ma proposition est sérieuse et que si l’on m’y autorise je suis prêt à l’exécuter.

— Philippe a raison, dit Montbars, le moyen qu’il indique, tout périlleux qu’il soit, est le seul que nous devons employer. En effet, il nous est impossible de rien tenter avant de savoir positivement quels sont les points faibles de la place que nous voulons surprendre.

— Mais, objecta M. d’Ogeron, c’est courir à une mort certaine que d’essayer de s’introduire dans une île qui doit être si bien gardée.

— La tentative est hardie, je le sais, je ne m’en dissimule en aucune façon les difficultés, je sais que j’ai quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent contre moi ; malgré cela j’insiste, mon cher oncle, pour que cette mission me soit confiée, je suis convaincu que je réussirai.

— Auriez-vous par hasard des intelligences dans la place, mon cher capitaine ? dit Grammont d’une voix railleuse.

— Peut-être, répondit-il avec ironie : d’ailleurs, ajouta-t-il en s’adressant aux flibustiers, peu importe les moyens que j’emploierai pourvu que je réussisse et, je le répète, si on veut me laisser faire, je réponds du succès.

— Qu’en pensez-vous, messieurs ? dit M. d’Ogeron.