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rellement être dirigées vers le continent africain ; nous ne dirons rien ici du succès de ces hasardeuses explorations, nous bornant seulement à constater que ce fut à l’école de ces hardis navigateurs que se forma Christophe Colomb, auquel était réservé l’honneur de retrouver un monde perdu.

Chose singulière, après avoir vainement essayé de traiter avec plusieurs souverains, s’être vu repoussé par tous comme un fou ou comme un visionnaire, Colomb, qui en dernier lieu s’était adressé à Ferdinand et à Isabelle, alors arrêtés devant Grenade qu’ils assiégeaient, s’était une fois encore, après de longs pourparlers, vu repousser et désormais sans espoir de réussite, il avait quitté le camp pour se retirer en Angleterre, où déjà plusieurs fois il avait projeté de se rendre, lorsque la prise de Grenade vint tout à coup changer les résolutions des deux souverains et les engager à accepter les offres qu’ils avaient si péremptoirement refusées d’abord.

Christophe Colomb était parti et déjà éloigné de quelques lieues, lorsque le courrier de la reine l’atteignit ; rendu défiant par ses insuccès continuels, ce ne fut qu’en hésitant et comme contraint que le grand homme se décida à rebrousser chemin et à retourner à Santa-Fé, où se tenait la cour.

C’est à Palos-de-Moguerras, petit port de l’Andalousie, que fut équipée la flotte qui devait donner un nouveau monde à l’Espagne.

L’armement ordonné par la reine était loin de répondre à la grandeur de l’entreprise que l’on tentait ; sa dépense totale ne dépassait pas cent mille francs.

L’escadre mise sous les ordres de Colomb, créé amiral, se composait de trois navires de médiocre tonnage, les deux derniers surtout surpassaient à peine de grandes chaloupes.

L’amiral monta le Santa-Maria, Martin Alonso Pinson eut le commandement de la Pinta avec son frère pour pilote, et enfin la Niña fut placée sous les ordres de Yanez Pinson. Ces bâtiments portaient pour un an de vivres, et étaient montés par quatre-vingt-dix hommes, matelots aventuriers et gentilshommes qui s’étaient attachés à la fortune de Colomb.

Le 3 août 1492, un peu avant le lever du soleil, la flotte appareilla de la barre de Saltès, près Huelva, en présence d’une foule de spectateurs qui formaient des vœux pour la réussite de cette entreprise extraordinaire, mais dont la plupart n’espéraient plus revoir les hardis aventuriers.

Enfin, le vendredi 12 octobre 1492, après soixante-cinq jours de navigation, au lever du soleil on aperçut l’île Guanahani ou San Salvador, une des îles Lucayes ou de Bahama.

Le grand problème, jusque-là insoluble, était résolu, le nouveau monde découvert, ou pour mieux dire retrouvé.

Mais ce ne fut qu’à son troisième voyage que Colomb parvint réellement jusqu’au continent américain. Le 1er août 1498, Alonzo Perez, matelot, né à Huelva, en vigie dans la hune, signala l’île de la Trinité, placée sur la côte de la Guyane, à l’embouchure de l’Orénoque.

L’amiral gouverna alors à l’ouest, découvrit le continent et longea les côtes de Paria et de Cumana sur lesquelles il prit terre à plusieurs reprises.

Or, aussitôt après le premier voyage de l’amiral, Ferdinand et Isabelle,