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haute et assez large pour qu’un homme de taille ordinaire pût y entrer sans se baisser.

Le sol de cette caverne était couvert d’une légère couche d’un sable fin, sur laquelle apparaissaient çà et là non seulement des traces de pas, mais encore une rainure assez profondément creusée, comme si une embarcation avait été traînée à bras.

— Qu’est-ce que cela signifie ? murmura Philippe, serait-ce un passage ?

— Il nous est facile de nous en assurer ; si nous ne trouvons pas d’issue, nous en serons quittes pour revenir sur nos pas.

— C’est juste, et le mal ne sera pas grand, car, grâce à Dieu, ce n’est pas le temps qui nous manque.

— Non, ce sont les vivres, dit Pitrians en grognant.

— Ingrat, fit en riant Philippe ; peut-être cette caverne nous conduira-t-elle dans un endroit où nous en trouverons.

— Dieu le veuille.

Alors, sans plus hésiter, ils entrèrent dans la caverne. Cependant, comme les aventuriers étaient gens de précaution et qu’ils ne savaient pas ce qui pouvait advenir, ils visitèrent avec soin leurs armes et changèrent les amorces de leurs fusils, afin d’être prêts à tout événement.

La caverne était assez profonde et formait plusieurs courbes. Les aventuriers, grâce à des fissures imperceptibles, qui probablement existaient dans la voûte, y voyaient assez clair pour se diriger sûrement, bien qu’ils se trouvassent au milieu d’une sorte de crépuscule qui ne leur laissait distinguer que vaguement les objets.

Ils atteignirent bientôt une espèce de salle assez grande, de forme presque ronde, où le jour pénétrait par en haut ; un trou de quatre pieds environ laissait passer le soleil, dont les rayons répandaient une assez vive clarté.

Dans cette salle, les aventuriers aperçurent non pas une, mais trois embarcations, dont deux, à la vérité, étaient en assez mauvais état et incapables, à moins d’un radoub complet, de prendre la mer ; mais la troisième était presque neuve.

Ces embarcations se trouvaient soigneusement rangées contre la muraille et soutenues par des épontilles ; auprès d’elles étaient déposés des avirons, des gaffes, des mâts et des vergues garnis de leurs voiles ; des filets et autres engins de pêche étaient étendus sur les embarcations.

— Tiens, tiens, tiens, dit joyeusement Philippe en se frottant les mains, voici, si je ne me trompe, qui va nous épargner une rude besogne ; ces embarcations ne sont pas venues ici toutes seules, donc il existe un passage, passage que nous trouverons, ce qui fait que nous n’aurons pas besoin d’en creuser un, et que nos compagnons entreront dans l’île comme chez eux.

— À quelque chose malheur est bon, dit sentencieusement Pitrians.

— Quelle excellente idée nous avons eue d’oublier nos vivres.

— Hum ! je ne trouve pas, moi.

— Tu es un niais, Pitrians, et tu parles sans réfléchir ; si nous avions eu des vivres, nous ne nous serions pas mis en devoir d’en chercher, n’est-ce pas ?