— Ajoutez qu’il ne vous manquera jamais, madame, répondit-il avec feu, et vous direz tout juste la vérité.
— Merci, mon ami ; mais venez, venez, le déjeuner est prêt, vous devez tomber d’inanition ; tout en mangeant nous causerons.
— À vos ordres, madame, je vous avoue qu’en effet je me sens un appétit féroce.
— Ne perdons pas de temps alors, venez.
Ils entrèrent dans la salle à manger et prirent place en face l’un de l’autre, devant la table.
— Servez, Aristide, lui dit sa maîtresse.
L’esclave disparut, pour revenir un instant après avec deux plats, contenant les mets composant le déjeuner.
— Écoute ici, Aristide, lui dit Birbomono, comme nous n’avons plus besoin de toi provisoirement, fais-moi le plaisir de bouchonner vigoureusement Negro ; le pauvre animal est venu d’un tel train, qu’il est trempé comme s’il sortait de la rivière ; tu m’entends ?
— Parfaitement, maître, répondit le noir, je vais m’en occuper tout de suite.
— C’est cela, mon garçon, si madame a besoin de toi, je t’appellerai.
Le nègre sortit, en refermant la porte derrière lui.
La dame mangeait par contenance, effleurant plutôt qu’elle ne touchait les mets placés devant elle ; quant à Birbomono, il était facile de voir que, ainsi qu’il l’avait avoué, il avait grand appétit, car son assiette se vidait avec une rapidité réellement effrayante ; la dame le surveillait du coin de l’œil, brûlant de le questionner, et retenant, à grand’peine les paroles toujours prêtes à lui échapper.
Enfin, lorsque la première faim de son convive lui parut être à peu près calmée, elle n’y put tenir davantage, et se décida à entamer la conversation.
— Eh bien ! lui demanda-t-elle avec un léger tremblement dans la voix, cette fois sera-t-elle comme les autres, et me répondrez-vous encore par ce désespérant monosyllabe : rien ?
Birbomono releva la tête, but un large verre d’eau glacée qu’il épuisa jusqu’à la dernière goutte, s’essuya la barbe et les moustaches, et poussant un hem ! sonore :
— Je crois, señora, dit-il, que mon voyage n’aura pas été tout à fait inutile.
— Oh ! s’écria-t-elle en joignant les mains avec angoisse, auriez-vous découvert…
— Pardon, madame, dit-il en l’interrompant, laissez-moi parler, je vous prie, je ne veux ni vous tromper, ni vous donner un espoir qui ne saurait se réaliser.
— Ah ! fit-elle avec découragement.
— Seulement, reprit-il, je crois que je vous apporte une nouvelle qui vous intéressera au plus haut degré.
— Quelle nouvelle autre que celle que vous ne me donnez pas peut m’intéresser à présent ? murmura-t-elle, en hochant tristement la tête.