— Pardieu ! nous rendrons aux Gavachos la monnaie de leur pièce ; ils nous ont surpris, nous les surprendrons.
— Parfait ! s’écria-t-il en se frottant joyeusement les mains.
— J’ai compté sur toi, Pierre.
— Vous avez bien fait, monsieur d’Ogeron.
— Tu comprends que je ne suis pas au courant de vos affaires ; j’ignore complètement ce qui se passe ici ; j’ai donc besoin d’être renseigné ; nul ne peut mieux que toi m’apprendre ce que j’ai besoin de savoir.
— Interrogez, je répondrai, monsieur d’Ogeron.
— Quels capitaines avons-nous ici en ce moment ?
— Hum ! fit-il en se grattant le front, nous sommes assez pauvres en hommes, monsieur. Cependant il y a quelques vieux Frères de la Côte sur lesquels, au besoin, on pourrait compter.
— Diable ! c’est fâcheux. Qu’est devenu l’Exterminateur ?
— Montbars est parti, il y a de cela six mois, et depuis on n’en a pas eu de nouvelles.
— Diable, diable ! dit le vieillard d’un air pensif.
— C’est comme cela. Morgan, le Beau Laurent, Belle-Tête, David, Roc le Brésilien, l’Olonnais, Vent-en-Panne, tous sont dehors, morts peut-être, nul ne le sait.
— Oh ! oh ! voilà qui est fâcheux. Qui nous reste-t-il donc alors ?
— Dame ! il y a moi d’abord.
— C’est juste, mais ensuite ?
— Ensuite, à part quatre ou cinq de véritablement solides, je ne vois personne.
— Quels sont ces quatre ou cinq ?
— Michel le Basque, Drack, le Poletais, votre neveu Philippe.
— Qui encore ?
— Je n’en vois pas d’autres.
— Hum ! c’est bien peu, car l’affaire sera rude ; les Gavachos ne se laisseront pas prendre ainsi.
— Pardieu ! je l’espère bien ; mais les noms que je viens de vous citer vous sont connus de longue date, monsieur, ce sont ceux d’hommes déterminés.
— Je le sais, mon ami, mais si nous échouions, ce serait pour nous un échec irréparable ; mieux vaudrait peut-être nous abstenir.
— Je ne suis pas de cet avis, monsieur d’Ogeron, chacun de nous peut réunir quelques aventuriers résolus.
— C’est vrai, mais la Tortue est à peu près imprenable, surtout si elle est bien défendue, et elle le sera.
— Pour cela, vous pouvez être tranquille. Don Fernando d’Avila, qui commande la garnison espagnole, se fera tuer ainsi que tout son monde plutôt que de se rendre.
— Tu vois bien, alors, que ce serait une folie de nous obstiner à tenter de le déloger avec des forces aussi restreintes que celles dont nous disposons.