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et d’un étroit matelas posés sur une couchette de bois blanc, jadis peinte en jaune, mais dont le temps avait presque entièrement rongé la couleur.

Une table boiteuse, un escabeau, une chaise, une table de nuit, un chandelier de fer, complétaient un ameublement plus que modeste.

Cette chambre était située à l’étage le plus élevé de la tour, dont la plateforme, sur laquelle jour et nuit se promenait un factionnaire, lui servait de plafond.

Le soldat ouvrit les verrous et les serrures qui garnissaient la porte doublée de fer de cette chambre, et le comte entra d’un pas ferme.

Après avoir jeté un regard sur ces murs froids et tristes, destinés à lui servir désormais d’habitation, il alla s’asseoir sur la chaise, croisa les bras sur la poitrine, baissa la tête et se mit à réfléchir.

Le soldat, ou plutôt le geôlier, qui était sorti, rentra, une heure après, et le retrouva dans cette même position.

Cet homme portait des draps, des couvertures et du bois pour faire du feu ; derrière lui, deux soldats apportèrent la malle contenant les habits et le linge du prisonnier, qu’ils placèrent dans un coin, et se retirèrent.

Le geôlier s’occupa aussitôt à faire le lit, puis il balaya la chambre et alluma du feu. Lorsque ces différents devoirs furent accomplis, il s’approcha du prisonnier.

— Monsieur le comte ? lui dit-il poliment.

— Que me voulez-vous, mon ami ? lui répondit le comte en relevant la tête et en le regardant avec douceur.

— Le gouverneur du château désire obtenir de vous l’honneur d’un entretien, ayant, a-t-il dit, d’importantes communications à vous faire.

— Je suis aux ordres de M. le gouverneur, répondit laconiquement le comte.

Le geôlier s’inclina et sortit.

— Que me peut vouloir cet homme ? murmura le comte, dès qu’il fut seul.

Son attente ne fut pas longue, la porte s’ouvrit de nouveau, et le gouverneur parut.

Le prisonnier se leva pour le recevoir, il le salua, puis il attendit silencieusement qu’il prît la parole.

D’un geste, le major ordonna au geôlier de se retirer, puis, après un nouveau salut :

— Monsieur le comte, dit-il, avec une politesse froide, entre gentilshommes on se doit des égards. Bien que les ordres que j’ai reçus à votre sujet de M. le Cardinal soient fort sévères, je désire, cependant, user envers vous de tous les ménagements qui ne seront pas incompatibles avec mes devoirs ; je suis donc venu franchement vous trouver afin que nous nous entendions à ce sujet.

Le comte devina où tendait ce discours, mais il n’en laissa rien paraître et répondit :

— Monsieur le gouverneur, je suis reconnaissant, comme je le dois, de la démarche qu’il vous plaît de faire près de moi ; ayez donc, je vous prie, la bonté de m’expliquer en quoi consistent vos ordres, et quelles sont les faveurs