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Cette lettre n’était rien moins qu’une dénonciation en forme contre le comte de Barmont-Senectaire.

Le cardinal de Richelieu ne fit aucune difficulté pour accorder un ordre d’arrestation contre le comte, et des agents de la police de Son Éminence, commandés par François Bouillot, quittèrent Paris et se lancèrent à la poursuite du malheureux officier.

Celui-ci, dans la complète ignorance où il était de ce qui se passait, avait continué sa route et même gagné du terrain sur le duc qui, persuadé que désormais il n’avait plus rien à redouter de son ennemi et que celui-ci serait arrêté avant de le pouvoir rejoindre, ne marchait plus qu’à petites journées.

Seulement le calcul du duc était faux ; il n’avait pas réfléchi que les gardes du cardinal, ne sachant pas où ils rencontreraient celui qu’ils avaient mission d’arrêter et contraints à des tâtonnements sans nombre, seraient obligés de faire à peu près deux fois la route ; ce fut ce qui arriva.

De plus, comme, excepté Bouillot, aucun o.’eux ne connaissait personnellement le comte, et que celui-ci, nous le savons maintenant, ne demandait pas mieux que de laisser échapper le fugitif, il passa au milieu d’eux sans qu’ils soupçonnassent que c’était lui, ce qui leur occasionna une grande perte de temps en les obligeant à revenir sur leurs pas.

Nous avons rapporté plus haut comment, après l’explication orageuse qui avait eu lieu entre le beau-père et le gendre, celui-ci avait enfin été arrêté, conduit par Bouillot, sur son ordre exprès, à l’île Sainte-Marguerite et remis entre les mains du major de l’Oursière. Et maintenant que nous avons bien expliqué la position respective de chacun de nos personnages, nous reprendrons notre récit au point où nous l’avons laissé.


VIII

LE PRISONNIER

Nous avons dit que, après constatation faite de son identité et lecture de son ordre d’arrestation, le major de l’Oursière, gouverneur de la forteresse de Sainte-Marguerite, avait fait conduire le comte de Barmont-Senectaire dans la chambre qui devait lui servir de prison, jusqu’au jour où il plairait à M. le Cardinal de lui rendre la liberté.

Cette chambre, assez vaste et haute, de forme octogone, dont les murs épais de quinze pieds étaient blanchis à la chaux, n’était éclairée que par deux étroites meurtrières garnies d’un double treillis de fer intérieur et extérieur, qui ne laissait filtrer qu’un jour triste à travers ses mailles serrées, et interceptait complètement la vue du dehors.

Une grande cheminée à large manteau occupait un angle de la pièce ; en face, se trouvait un lit ou plutôt un grabat composé d’une mince paillasse