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à son père et prenait, monté sur un bon cheval et suivi d’un domestique de confiance, la route de Bordeaux.

La marine a longtemps été négligée en France et laissée pendant tout le moyen âge entre les mains des particuliers sans que le gouvernement songeât ou daignât, à l’exemple des autres puissances continentales, chercher à s’assurer sinon la suprématie du moins une certaine influence sur les mers ; ainsi nous voyons, sous François Ier, qui fut cependant un des rois guerriers de la France, un armateur de Dieppe, Ango, auquel en pleine paix les Portugais avaient enlevé un navire, autorisé par le roi, qui ne pouvait lui faire rendre justice, à équiper une flotte à ses frais ; flotte avec laquelle, soit dit en passant, Ango bloqua le port de Lisbonne et ne cessa les hostilités que lorsqu’il eut contraint les Portugais à envoyer en France des ambassadeurs pour demander humblement la paix au roi.

Cependant la découverte du Nouveau-Monde et celle non moins importante du cap de Bonne-Espérance, en donnant à la navigation une plus grande activité et une sphère plus étendue, en même temps qu’elles reculaient les limites du commerce firent sentir la nécessité de la création d’une marine militaire destinée à protéger les bâtiments marchands contre les attaques des corsaires.

Ce fut sous Louis XIII seulement que cette pensée de la création d’une marine militaire commença à être mise à exécution ; le cardinal de Richelieu, dont le vaste génie embrassait tout et que les flottes anglaises avaient plusieurs fois fait trembler pendant le long et pénible siège de la Rochelle, fit diverses ordonnances concernant la marine et créa une école de navigation destinée à l’éducation des jeunes gentilshommes qui désiraient servir le roi sur ses vaisseaux.

C’est donc à ce grand ministre que la France doit la première pensée d’une marine militaire ; marine destinée à lutter contre les flottes espagnoles et hollandaises et qui devait, sous Louis XIV, acquérir une si grande importance et balancer un moment la puissance de l’Angleterre.

Ce fut dans cette école de navigation créée par Richelieu que le vicomte de Barmont entra, grâce à l’influence du duc d’Épernon.

Le vieux gentilhomme tint strictement la parole qu’il avait donnée à son ancien compagnon d’armes ; il ne cessa de protéger le jeune homme, ce qui du reste lui fut facile, car celui-ci montra une aptitude extraordinaire et un talent fort rare à cette époque pour l’état qu’il avait embrassé.

Aussi, en 1641 était-il déjà capitaine des vaisseaux du roi, et avait-il le commandement d’une frégate de vingt-six canons.

Malheureusement, ni le vieux comte de Barmont, ni sa femme ne purent jouir des succès de leur fils et de l’ère nouvelle qui s’ouvrait pour leur maison : tous deux moururent à peu de jours de différence l’un de l’autre, laissant le jeune homme orphelin à l’âge de vingt-deux ans.

En fils pieux, Ludovic, qui aimait réellement ses parents, les pleura et les regretta, sa mère surtout, qui toujours avait été si bonne et si tendre pour lui ; mais, accoutumé depuis plusieurs années déjà à vivre seul dans ses longues courses sur mer et à ne compter que sur soi-même, cette perte lui fut