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ment la tête ; alors il prit le bulletin qui le premier lui tomba sous la main, le déroula, et lut :

— Montbars l’Exterminateur, dit-il, et il passa au second.

« Montbars l’Exterminateur », lut-il encore ; puis, ce fut le tour du troisième, du quatrième et ainsi jusqu’au douzième et dernier ; tous portaient ces deux mots :

« Montbars l’Exterminateur. »

Sinistre défi porté à la nation espagnole, dont cet homme était l’ennemi le plus acharné.

Montbars se leva, se découvrit, et saluant gracieusement ses compagnons :

— Frères, dit-il, je vous remercie, la confiance que vous mettez en moi ne sera pas trompée.

— Vive Montbars l’Exterminateur ! s’écrièrent avec élan tous les flibustiers.

La terrible société des Douze était créée. La flibuste devenait alors réellement une puissance formidable.


XIV

LA SECONDE PROPOSITION

Montbars laissa à l’enthousiasme de ses compagnons le temps de se calmer, puis il reprit la parole.

Rien n’était changé dans son aspect, rien ne dénotait en lui la joie du triomphe ou de l’ambition satisfaite ; cependant le vote de ses compagnons, en le nommant chef de la flibuste, en avait fait en un instant un homme plus puissant que bien des princes. Son visage était aussi impassible, sa voix aussi ferme.

— Frères, dit-il, j’avais une seconde proposition à vous faire, vous le rappelez-vous ?

— C’est vrai, dit Williams Drack ; parle donc, frère, nous t’écoutons.

— Cette seconde proposition, la voici : seulement je vous prie, avant de me répondre, d’y réfléchir mûrement ; votre opinion ne doit pas être donnée à la légère, car je vous le répète, et j’insiste exprès pour que vous me compreniez bien, cette proposition est des plus graves et des plus sérieuses ; en un mot la voici : Je vous propose d’abandonner l’île Saint-Christophe, et de choisir un autre lieu de refuge plus commode et surtout plus sûr pour nous.

Les flibustiers le regardèrent avec étonnement.

— Je m’explique, dit-il en étendant le bras comme pour réclamer le silence, écoutez-moi bien, frères, car ce que vous allez entendre vous intéresse tous ; notre refuge est mal choisi, trop éloigné du centre de nos expéditions ; les difficultés qu’il nous faut surmonter pour y revenir, à cause des courants