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Voici cette clause dont nous verrons les sinistres conséquences se développer dans le cours de cette histoire :

« Nul travailleur destiné à la colonie ne sera admis à s’embarquer s’il ne s’engage à rester pendant trois ans au service de la Compagnie, qui aura le droit de l’employer à tous les travaux qu’il lui plaira sans qu’il ait la faculté de se plaindre ou de rompre le traité passé par lui. »

Ces travailleurs furent nommés engagés, terme honnête pour ne pas dire esclaves.

Le retour du nouveau gouverneur ne fut pas heureux. Assailli par une suite non interrompue de tempêtes, les maladies décimèrent ses équipages et il ne débarqua que quelques hommes agonisants.

Le capitaine Warner, plus favorisé, était revenu avec de nombreux colons. Cependant la bonne intelligence se maintint pendant quelque temps entre les deux nations ; mais les Anglais, plus nombreux, profitèrent de ce que les Français, vu leur faiblesse, ne pouvaient s’opposer à leurs usurpations pour empiéter sur leurs droits et fonder un nouvel établissement sur l’île de Nièves, voisine de Saint-Christophe.

Cependant d’Esnambuc ne désespéra pas du sort de la colonie, il se rendit de nouveau en France et sollicita du cardinal des secours d’hommes et d’argent pour repousser les entreprises de ses incommodes voisins.

Richelieu lui accorda sa demande.

Sur son ordre, le chef d’escadre de Cussac arriva à Saint-Christophe avec six grands navires fortement équipés ; il surprit en rade même dix bâtiments anglais, en prit trois, en fit échouer trois autres et mit le reste en fuite.

Les Anglais épouvantés n’essayèrent plus de sortir de leurs limites et la paix fut rétablie.

M. de Cussac, après avoir fourni la colonie d’hommes et de provisions, remit à la voile et alla fonder un établissement à Saint-Eustache, île située à quatre lieues nord-ouest de Saint-Christophe.

Cependant les Espagnols qui, depuis l’apparition des flibustiers dans les mers américaines, avaient eu tant à souffrir de leurs déprédations, les virent avec une inquiétude extrême se fixer définitivement sur les îles des Antilles.

Ils comprirent de quelle importance il était pour eux de ne pas les laisser former des établissements stables dans ces régions, s’ils ne voulaient voir leurs colonies détruites et leur commerce ruiné.

Ils résolurent donc d’agir vigoureusement contre ceux qu’ils considéraient comme des pirates, et d’anéantir à jamais leurs repaires qui déjà avaient pris des proportions formidables.

En conséquence l’amiral don Fernand de Tolède, que la cour de Madrid avait mis à la tête d’une puissante flotte expédiée en 1630 au Brésil pour combattre les Hollandais, reçut l’ordre de détruire en passant les nids de vipères fondés par les flibustiers à Saint-Christophe.

L’apparition subite de cette force immense devant l’île remplit les habitants de stupeur. Les forces réunies des aventuriers français et anglais, leur