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Le Forestier


II

Comment s’accomplit la première étape


La jeune fille s’aperçut seulement alors de la présence des étrangers, elle baissa les yeux, se recula de quelques pas et s’arrêta confuse et rougissante.

Malgré le triple airain qui entourait leurs cœurs de tigres, les aventuriers avaient été doucement émus à la vue de cette charmante jeune fille, qui s’était si subitement montrée comme une céleste apparition devant eux ; à peine osaient-ils l’effleurer d’un regard discret, tant ils craignaient d’augmenter sa confusion et de l’obliger ainsi à se retirer.

Elle était bien belle, en effet, cette chaste créature de seize ans à peine, mais qui possédait déjà sans s’en douter toutes les séduisantes perfections de la femme.

Ses grands yeux rêveurs au regard doux et un peu inquiet, son teint à peine bistré, les lignes pures de son beau visage, ses lèvres carminées qui, en s’entr’ouvrant par un rire cristallin, découvraient la double rangée de ses dents éblouissantes ; ses cheveux d’un noir bleu d’une finesse extrême, dont il lui eût été facile de s’envelopper tout entière, flottant comme un nuage embaumé autour d’elle ; sa taille svelte, cambrée, aux mouvements gracieusement ondulés ; sa voix mélodieuse comme un chant d’oiseau, la suave harmonie de ses formes exquises ; tout enfin se réunissait en elle pour lui compléter la plus ravissante beauté qui jamais eût été le partage d’une fille d’Ève, et la douer de cette attraction irrésistible qui est l’aimant du cœur.

L’Indien considéra un instant la charmante enfant d’un œil attendri, puis il l’attira doucement dans ses bras, où elle se blottit comme une colombe peureuse, et s’inclinant avec une courtoisie fière et majestueuse devant ses hôtes :

— Caballeros, leur dit-il d’une voix grave, je vous présente ma fille.

Les deux hommes saluèrent silencieusement.