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Le Forestier

— Monsieur le comte de Transtamarre, dit-il d’une voix claire en mettant le chapeau à la main, en même temps qu’il promenait un regard fier autour de lui, j’ai appris que cette nuit, lors de la visite dont vous avez daigné m’honorer, vous avez été gravement insulté chez moi ; veuillez, je vous prie, monsieur le comte, recevoir ici mes plus humbles excuses je vous tiens pour un loyal et parfait gentilhomme et suis très honoré d’être compté au nombre de vos amis.

Ces paroles, prononcées par un des plus loyaux représentants de la grandesse, émurent Gaston jusqu’aux larmes.

— Merci, señor duc, dit-il d’une voix tremblante, vous m’avez réhabilité devant tous ; avec la grâce de Dieu, mon épée fera le reste.

— Je le désire vivement, monsieur le comte, répondit le noble vieillard.

— Habits bas, caballeros ! la dague et l’épée en main ! ceci est un duel à mort, dit Gaston d’une voix stridente, en jetant ses habits sur le sol ; à vous, don Felipe !

Les Espagnols sont essentiellement braves ; pour eux un duel est presque une partie de plaisir ; don Felipe était déjà en garde. À la deuxième passe l’épée de Gaston lui traversa la poitrine de part en part.

— À un autre ! dit froidement le jeune homme, en voyant son adversaire se tordre à ses pieds dans les angoisses de l’agonie.

Le comte de Caseres était devant lui, l’épée haute.

Gaston lui fit signe qu’il était prêt ; les deux ennemis se ruèrent l’un sur l’autre.

Le comte de Caseres tomba comme une masse la dague du jeune homme l’avait frappé au cœur.

Les assistants étaient épouvantés ; ils voulurent intervenir.

— Arrière ! s’écria Gaston en brandissant son épée rougie jusqu’à la garde, ces hommes m’appartiennent.

— Je vous attends, dit le marquis d’Alvimar.

— Me voici ! répondit Gaston avec un rugissement de tigre.

Ce n’était plus une créature humaine ; la colère et le sang l’enivraient ; il ne rêvait plus que de meurtre.

Le comte tomba la gorge traversée.

Presque aussitôt le comte de Sierra Blanca se trouva en garde.

— Tuez-moi donc aussi ! s’écria-t-il d’une voix stridente.

— J’y tâcherai, señor, répondit Gaston avec rudesse.

Cette fois le combat fut long et acharné. Les deux adversaires étaient passés maîtres en fait d’armes. Gaston, fatigué par ses luttes précédentes, avait