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Le Forestier

— Señores, dit Médina Sidonia en s’avançant, je sais honteux pour vous d’une telle conduite dans la demeure de mon père que vous auriez du respecter. Le comte de Transtamarre, mon ami et mon hôte, est un gentilhomme de nom et d’armes que tous nous aimons ; vous vous êtes conduits envers lui, sans provocation aucune, comme des palefreniers ; mes amis et moi nous saurons le soutenir, car sa querelle est la nôtre.

— Oui, oui, s’écrièrent la plupart des gentilshommes en venant serrer avec effusion la main de Gaston.

L’élan était donné, les insulteurs demeurèrent à peu près seuls et isolés au milieu du salon.

— Je vous remercie, caballeros, s’écria le jeune homme avec émotion ; il m’est doux de voir que je n’ai pas baissé dans votre estime.

Il y eut une protestation unanime.

— Caballeros, reprit Gaston, cette nuit même je quitte Madrid ; demain, au lever du soleil, je vous attendrai à Alcala de Henares.

— Nous y serons tous pour vous servir de seconds, s’écrièrent avec enthousiasme les amis du jeune homme.

Deux heures plus tard, Gaston sortit du palais de Médina Sidonia ; il rentra chez lui, mit quelques papiers en ordre, s’arma, puis monta à cheval ; suivi par son domestique, il quitta Madrid et se dirigea vers Alcala de Henares, où il arriva dix minutes environ avant le lever du soleil.

À l’entrée du village il trouva une quarantaine de gentilshommes appartenant à la grandesse qui l’attendaient et lui firent cortège.

Cette manifestation de la noblesse en sa faveur lui fit du bien. Il remercia ces amis de la dernière heure avec effusion et, accompagné par eux, il arriva à un endroit assez retiré, situé derrière un couvent de chartreux, et qui avait été choisi par les seconds des deux partis pour être le théâtre du duel.

Là, tous les jeunes gens mirent pied à terre et confièrent leurs chevaux à leurs valets.

— Caballeros, dit Gaston à ses amis, cette affaire me regarde seul, laissez-moi seul la terminer.

Médina Sidonia et d’Ossuna voulurent soulever quelques objections.

— Je vous en supplie par notre amitié, leur dit-il.

Ils lui serrèrent affectueusement la main et se turent.

En ce moment, les adversaires de Gaston arrivèrent ; mais presque aussitôt parut le vieux duc de Médina Sidonia, qui accourait à toute bride.

Malgré son âge, il sauta à bas de son cheval avec la vivacité d’un jeune homme, et s’approchant de Gaston, qui de son côté venait à sa rencontre :