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Le Forestier

— Non, mon ami, sans condition.

— Soit, puisqu’il le faut j’ai foi en votre honneur.

— Merci ! maintenant, plus un mot ; rentrons, on nous attend ; prenons garde de laisser deviner ce qui s’est passé entre nous ; ceux qui aiment, hélas ! sont clairvoyants.

— Soyez tranquille, ami ; pour plus de sûreté, aussitôt après le déjeuner je partirai.

— Vous avez raison, en effet, mais demain.

— Demain à midi je serai chez vous, je vous l’ai juré.

Ils se levèrent alors, sortirent du bois, et regagnèrent la chaumière à petits pas ; en chemin le forestier eut l’occasion de tuer quelques gelinottes.

Donc il avait chassé, pas autre chose.


IV

Où il est prouvé que ni l’or ni la grandeur ne rendent heureux


Le lendemain, vers dix heures du matin, don Felipe, qui, certes, était bien loin de soupçonner la réception, que lui ménageait le forestier, arrivait tout joyeux à la chaumière.

Son cheval, blanc d’écume, témoignait de la rapidité avec laquelle il était venu.

Il s’arrêta à l’entrée de l’enclos, mit pied à terre, jeta la bride au domestique qui l’accompagnait ; reçut, des mains de celui-ci un large portefeuille en maroquin rouge fermant à clef, le mit sous son bras et se dirigea à grands pas vers la chaumière, sur le seuil de laquelle il apercevait le forestier debout et immobile.

— Me voilà, mon cher hôte, dit-il en tendant la main au forestier.

— Je vous attendais, don Felipe, répondit celui-ci en faisant un pas en arrière sans prendre la main qui lui était tendue.

Don Felipe ne remarqua pas ce mouvement, ou, s’il le remarqua, il n’y attacha pas d’importance.