Page:Aimard - Le forestier.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
Le Forestier

éteintes, les soutes ouvertes, les armes montées sur le pont et distribuées à l’équipage ; les pièces de canon mises en batterie, les bailles de combat remplies d’eau, les mèches allumées ; un va-et-vient installé au grand panneau pour descendre les blessés que dans l’entrepont recevront le chirurgien et ses aides, leurs outils préparés sur une table ; les manœuvres courantes sont bossées, les vergues assurées par des faux-bras ; les soldats de marine rangés en bataille, les chefs de pièces à leurs canons, les gabiers dans les hunes, les pompes à incendie installées, les grappins d’abordage préparés à l’extrémité des vergues, les filets tendus ; le passage des poudres organisé ; chacun à son poste, en un mot, depuis le capitaine commandant le bâtiment jusqu’au dernier mousse chargé de transporter les gargousses et nous ne parlons ici ni des armuriers, ni des calfats, ni des charpentiers, ni des timoniers, qui doivent chacun, selon ce que leur impose leur état, pourvoir à la sûreté du navire ; nous passons de plus sous silence une infinité de détails importants, mais qui ne seraient pas compris de la grande majorité des lecteurs.

Et toutes ces opérations multiples et complètement opposées les unes aux autres, bien que convergeant toutes vers le même but, doivent expressément être terminées, nous le répétons, en moins de cinq minutes, c’est-à-dire à peine le temps strictement nécessaire pour réciter le Pater et le Credo.

Aussi les équipages des bâtiments de guerre ont-ils besoin d’être exercés continuellement pendant plusieurs mois consécutifs à cette manœuvre avant de parvenir a l’exécuter a peu prés correctement.

Le comte, appuyé sur le bastingage, suivait du coin de l’œil ce qui se passait autour de lui, bien que sans paraître y attacher l’importance que secrètement cela avait pour ses projets ultérieurs.

Il fut émerveillé de la façon dont fut exécuté le branle-bas de combat à bord de la corvette. En quatre minutes à peine, ce qui dépassait presque les limites du possible, chacun fut à son poste et tout fut prêt pour le combat.

— Hum ! murmura-t-il à part lui, tout en mâchonnant sa moustache, voilà un rude équipage et qui, si nous n’y prenons garde, nous donnera diablement de fil à retordre ; quels gaillards ! Je voudrais que Michel fût ici, cela lui donnerait fort à réfléchir, je suppose.

Cependant le canot du gouverneur approchait rapidement. Bientôt il accosta.

Le capitaine et le comte étaient descendus pour recevoir au bas de l’escalier Son Excellence don Ramon de la Cruz ; don Pablo offrit son bras à doña Linda ; don Fernan s’empara de celui de doña Flor, puis ils montèrent à bord.

À peine le gouverneur eut-il posé le pied sur le pont qu’une salve éclata, le pavillon espagnol fut hissé au grand mât, don Ramon fut salué d’une salve de