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Le Forestier

— Oui, en effet ; aussi, pour toi-et pour moi, ce contraste est-il des plus piquants. As-tu mis de l’or dans mes poches ?

— Oui, monsieur le comte.

— Bien ; mes bijoux maintenant.

— Vous accompagnerai-je ?

— Non pas, diable je me rends à bord de la Perla ; tu t’es pris d’un si grand amour pour ce charmant navire que, si je te menais avec moi, tu serais capable de me faire quelque esclandre ; je te connais, compagnon ; aussi je me tiens sur mes gardes ; sérieusement, Michel, plus nous approchons du dénoûment, plus nous devons jouer serré et redoubler de prudence.

— Vous m’avez promis la Perla.

— Tu t’auras, gourmand, mais pas avant quelques jours ; ainsi, prends patience jusque-là.

— C’est bon, répondit-il en grondant comme un molosse auquel on retire un os ; c’est bon, j’attendrai cependant, vous ne pouvez pas aller seul là-bas.

— Fil-de-Soie m’accompagnera.

— Voilà un moussaillon qui a de la chance : il n’y en a que pour lui.

— Jaloux dit en riant le jeune homme, les chevaux sont-ils prêts ?

— Ils vous attendent.

— Alors je pars ; ne m’attends pas avant quelques heures ; je ne sais pas combien de temps je demeurerai à bord.

— C’est bien.

Ils sortirent.

Dans la cour, Fil-de-Soie, ou plutôt Julien, car tel était son nom. prévoyant qu’il accompagnerait son maitre, était déjà en selle, revêtu d’un splendide costume de page.

Le comte monta à cheval, fit un dernier signe d’adieu à Michel et quitta sa demeure, suivi distance par Julien et un domestique en grande livrée chargé de ramener les chevaux.

Les Hispano-Américains ne connaissent qu’un mode de locomotion, le cheval.

Jamais on ne les rencontre à pied ; pour les plus petites courses comme pour les plus grandes, pour traverser une rue comme pour faire cent lieues, ils montent à cheval ; on peut dire qu’ils vivent sur le dos de leurs montures.

Après avoir traversé au petit pas une partie de la ville, où son passage excitait l’admiration générale, le comte atteignit le port ; il mit alors pied à