Page:Aimard - Le forestier.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
Le Forestier

— C’est cela ; car en somme les coquins ne m’intéressent guère.

— Hier, pendant le bal, il paraît que plusieurs dames ont comploté de venir ce matin faire une visite à bord de ma corvette avec quelques-uns de leurs parents et de leurs amis, invités, bien entendu, par ces dames ; je vous citerai entre autres doña Linda, fille de don Ramon de la Cruz, le gouverneur, et doña Flor, fille de don Jéses ; j’ai été averti il y a une demi-heure à peine : après avoir donné tes ordres nécessaires pur qu’on déjeuner somptueux fût préparé, je suis venu en toute hâte vous prier, mon cher comte, de m’aider à faire à ces dames tes honneurs de mon bâtiment.

— Votre proposition est charmante, capitaine, je l’accepte avec le plus grand plaisir.

— À la bonne heure ! vous voyez bien que rien ne nous empêchait de déjeuner ensemble ; maintenant que ma mission est remplie, je me sauve, le rendez-vous est fixé à onze heures et demie à bientôt comme récrivent si bien les ladrones.

Les deux jeunes gens se mirent à rire, échangèrent une dernière poignée de main, et le capitaine sortit.

Derrière lui Michel entra.

— Eh bien : lui dit Laurent, l’affaire a été bien menée, à ce qu’il paraît ?

— Mais oui, pas mal, répondit le boucanier avec un sourire narquois. Vous avez en des nouvelles ?

— Oui, et des plus fraîches. Au dire du señor don Pablo, le gouverneur serait furieux du tour qu’on lui a joué, et il aurait lancé dans toutes les directions de nombreux détachements à la poursuite de nos pauvres camarades.

— Bon ! Qu’ils courent, cela leur fera prendre de l’exercice, a défaut de ceux qu’ils poursuivent, et sur lesquels ils ne mettront pas la main, j’en réponds.

— Où sont-ils ? Ici ?

— N’était-ce pas convenu ?

— Certes ; seulement ils feront bien de se tenir cois.

— Bah ! pourquoi faire ? José est depuis ce matin occupé à les grimer et à les déguiser de telle sorte que, s’ils se regardaient dans une glace, il ne se reconnaitraient pas eux-mêmes ce diable d’homme possède un talent remarquable pour opérer ces métamorphoses : c’est à n’y pas croire.

— C’est égal, il est bon d’être prudent.

— José affirme que le meilleur moyen de se cacher, c’est de se montrer hardiment.