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Le Forestier

— Soit.

— Chagrés est bien fortifié, son entrée est étroite ; la ville est bâtie à l’embouchure d’une rivière, défendue par une citadelle bien et solidement établie, renfermant une garnison de deux mille hommes qui se défendront bien.

— Ils feront leur devoir, répondit nonchalamment Montbarts.

— C’est juste ; passons. Panama est avec le Callao, port du Pérou, l’entrepôt des richesses du gouvernement espagnol dans la mer du Sud ; vous le savez, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur, et c’est à cause de cela que nous voulons nous en emparer.

— Fort bien ; je ne discute pas cette question, qui est résolue entre nous.

— Montbarts s’inclina.

— La ville est défendue par terre et par mer ; par terre par une muraille bastionnée garnie d’un fossé par mer par deux forts dont les feux se croisent et peuvent au besoin incendier la ville qu’ils commandent de tous les côtés.

— Ceci est de peu d’importance pour nous, monsieur.

— Peut-être, mais ce qui est pour vous de la plus haute importance, c’est que Panama possède une population de soixante mille habitants.

— Oh ! on a grossi le chiffre, monsieur, soyez-en sur, ces Espagnols sont si vantards !

— Vous croyez ? Je le veux bien : mettons quarante mille, si vous voulez ?

— Soit, quarante mille.

— Ce qui est déjà un assez beau chiffre, il me semble.

— Oui, mais il faut défalquer les femmes, les enfants, les vieillards, les prêtres, les moines, que sais-je encore ? c’est-à-dire les trois quarts de cette population.

— Je l’admets reste donc dix mille, ce qui est encore assez joli.

— Oui, ce serait beaucoup, s’ils se battaient ; mais ce sont des bourgeois poltrons et criards qui, pour la plupart, trembleront pour leurs richesses, pour leurs maisons, leurs femmes, leurs enfants, que sais-je encore ? et qui, au premier coup de feu, s’enfuiront dans tous les trous, comme des rats, ou se réfugieront dans les couvents et tes églises. À la rigueur, supposons, et cette supposition est toute gratuite de ma part, croyez-te bien, supposons, dis-je, que deux ou trois mille peut-être se trouveront avoir du courage et voudront combattre, ce qui sera un malheur pour eux et leurs amis.

— Comment cela ?

— Parce que ces dignes bourgeois, ignorants des choses de la guerre, ne