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Le Forestier.

j’ai cependant dormi comme une souche, dix heures durant ; eh ! Dieu me pardonne ! j’ai autant sommeil que si je n’avais pas fermé l’œil.

— Eh ! là-dedans, cria-t-on du dehors, êtes-vous ; morts ou vivants ?

— Cordieu ! on y va, un peu de patience, nous sommes vivants, et bien vivants, je l’espère.

Et tout en chancelant, en titubant et en bâillant, il poussa les verrous et ouvrit la porte ; le guide entra.

— Voilà, dit-il, vous êtes diablement pressé, mon camarade.

— Il est cinq heures passées, répondit José, nous devrions être partis depuis longtemps déjà.

— Cinq heures ? reprit Michel ; comme le temps passe, mon Dieu

— Où est don Fernan ?

— Dans son lit ; où voulez-vous qu’il soit ?

— Et il dort ?

— Je le suppose.

— Voyons.

Ils s’approchèrent du lit.

En effet, don Fernan dormait comme s’il n’eut jamais dû se réveiller.

— Allons, dit José, éveillez-te.

— C’est dommage, il dort si bien

Cependant il le secoua par le bras.

Fernan ouvrit les yeux.

— Quoi encore ? s’écria-t-il en se dressant subitement d’un air de menace.

— Comment, quoi encore s’écria Michel scandalisé ; à qui en avez-vous, monsieur le comte, et quelle mouche vous a piqué de nous recevoir ainsi ?

Le jeune homme passa la main sur son front.

— Pardonnez-moi, dit-il en souriant, j’ai fait un mauvais rêve.

— Ah alors, il n’y a pas d’offense, dit paisiblement Michel.

— Oui, reprit-il.

Mais tout à coup ses regards tombèrent sur une bague qu’il avait au petit doigt et sur le chaton de laquelle se trouvait une fleur en-diamant.

— Eh non ! s’écria-t-il, je n’ai pas rêvé ; tout est vrai, j’ai bien réellement assisté à cette scène étrange.

Et il sauta à bas du lit.

— Il devient fou, s’écria Michel, quel malheur

— Ah ! tu dors bien ! lui dit Fernan avec ironie.

— Moi ! oui, assez bien, je vous remercie.

— Je m’en suis aperçu cette nuit.