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— Es-tu prêt à paraître en leur présence ?

— Je le suis, répondit le général toujours impassible.

— Tu ne redoutes rien ?

— Rien.

— Laisse tomber ton épée.

Le général lâcha son épée et sentit en même temps que ses pistolets lui étaient enlevés.

— Maintenant marche sans crainte, fit la voix.

Le prisonnier se retrouva libre instantanément.

— Au nom du Christ qui est mort sur la croix pour la liberté du monde, Cœur sombres, recevez-moi au nombre de vos frères, dit alors le général d’une voix haute et ferme.

La porte de la Quinta Verde s’ouvrit à deux battants.

Deux hommes masqués, l’épée nue à la main et tenant chacun une lanterne sourde dont ils dirigèrent le foyer sur le visage de l’étranger, parurent sur le seuil.

— Il en est temps encore, dit un des inconnus, si ton cœur n’est pas ferme, tu peux te retirer.

— Mon cœur est ferme.

— Viens donc alors, toi qui te crois digne de partager notre glorieuse tâche ; mais tremble si tu songes à nous trahir, reprit l’homme masqué d’une voix sombre.

Le général sentit malgré lui un frisson de terreur parcourir tous ses membres à ces paroles ; mais surmontant cette émotion involontaire :

— C’est aux traîtres à trembler, répondit-il, pour moi je n’ai rien à craindre.

Et il entra résolument dans la Quinta Verde, dont la porte retomba sur lui avec un bruit lugubre.

Le bandeau qui cachait ses yeux et qui avait empêché ceux qui l’avaient interrogé de le reconnaître, malgré les efforts qu’ils avaient faits pour cela, lui fut alors enlevé.

Après une marche de plus d’un quart d’heure dans un corridor circulaire, éclairé seulement par la lueur rouge et incertaine de la torche de l’homme qui le guidait dans ce dédale, le général fut subitement arrêté par une porte qui se trouva devant lui.

Il se tourna incertain vers les hommes masqués qui l’avaient suivi pas à pas.

— Qu’attends-tu ? dit l’un d’eux, répondant à sa muette interrogation, n’est-il pas écrit : frappe et l’on t’ouvrira ?

Le général s’inclina en signe d’acquiescement, puis il heurta violemment la porte.

Les battants entrèrent silencieusement dans le mur, et le général se trouva sur le seuil d’une vaste salle dont les murs étaient tendus de longues draperies rouges, lugubrement éclairée par une lampe en bronze à plusieurs becs attachée au plafond et qui répandait une clarté douteuse sur une centaine d’hommes qui tenaient tous à la main droite des épées nues, et dirigeaient