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tout à fait différentes de celles du pays que nous quittons, où les mœurs et les coutumes sont diamétralement opposées.

— Tu veux dire ?…

— Je veux dire qu’il faut oublier tout ce que nous avons appris, pour ne nous souvenir que d’une chose, que nous voulons promptement faire une fortune colossale.

— Par des moyens honorables ?…

— Je n’en connais pas d’autres, dit sérieusement Valentin. Et rappelle-toi, frère, que dans le pays où nous sommes à présent, le point d’honneur n’est plus le même qu’en France, que bien des choses qui, chez nous, paraîtraient de mauvais aloi, sont ici de mise et parfaitement reçues. Sur ce, à bon entendeur, salut ! tu me comprends, n’est-ce pas ?

— À peu près.

— Fort bien ! figure-toi que nous sommes en pays ennemi, agissons en conséquence.

— Mais ?

— Veux-tu épouser celle que tu aimes ?

— Tu le demandes ?

— Laisse-moi donc faire ! surtout, chaque fois que le hasard nous offrira une occasion, gardons-nous de la laisser échapper !

— Fais comme tu l’entendras.

— Voilà tout ce que j’avais à te dire.

Les jeunes gens se remirent en selle et se dirigèrent de nouveau vers la ville, marchant au pas en causant entre eux.

Minuit sonnait à l’horloge du Cabildo au moment où ils entraient dans Santiago par la Canada.

Les rues étaient sombres et désertes, la ville silencieuse :

— Tout dort, dit Louis.

— Je le crois, fit Valentin ; voyons toujours. Si nous ne trouvons aucune porte ouverte, nous en serons quittes pour bivouaquer ainsi que déjà je te l’ai proposé.

En ce moment, deux coups de pistolets éclatèrent à une courte distance, mêlés à un galop de chevaux.

— Qu’est cela ? dit Louis. Dieu me pardonne, on assassine près d’ici !

— En avant, cordieu ! s’écria Valentin.

Ils enfoncèrent les éperons dans le ventre de leurs chevaux et s’élancèrent à toute bride dans la direction du combat qu’ils entendaient.

Ils arrivèrent dans une rue étroite, au milieu de laquelle deux hommes à pied luttaient intrépidement contre cinq hommes à cheval.

— Sus aux cavaliers, Valentin, défendons les plus faibles !

— Tenez bon ! messieurs, dit Louis, il vous arrive du secours !

Il était temps pour don Gregorio et son ami.

Une minute plus tard, ils succombaient accablés par leurs ennemis.

L’arrivée providentielle des Français changea la face du combat.

Deux cavaliers tombèrent raides morts de deux coups de pistolet tirés à