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de faire pour échapper à l’esclavage ou à la mort, de sa volonté seule dépend notre salut.

— Valentin ! Valentin ! s’écria don Tadeo avec effusion, vous êtes aussi intelligent que dévoué, Dieu ne nous abandonnera pas.

— Qu’il vous entende ! fit le jeune homme avec mélancolie.

— Courage, ma fille ! dit la Linda avec une expression de tendresse infinie.

— Oh ! je ne crains plus rien maintenant, répondit la jeune fille avec un sourire de bonheur, n’ai-je pas auprès de moi mon père et… ma mère ! ajouta-t-elle avec intention.

La Linda leva les yeux au ciel avec reconnaissance.

Dix minutes plus tard, ils avaient quitté le bois et suivaient au grand trot la route sur laquelle le comte et Curumilla les précédaient en courant à toute bride.




XLIV

LE ROCHER.


Mais, en se remettant en route, Valentin avait plutôt consulté le péril de la situation et la nécessité d’y échapper, que la possibilité de marcher.

Les chevaux, surmenés depuis deux jours, fatigués outre mesure par l’ouragan, refusaient d’avancer ; ce n’était qu’avec force coups d’éperons que l’on parvenait à leur faire faire quelques pas en trébuchant.

Enfin, après une heure d’efforts infructueux, don Tadeo, dont le cheval, noble bête de pure race, pleine de feu et de courage, venait de s’abattre deux fois coup sur coup, fut le premier à faire observer à Valentin l’impossibilité dans laquelle ils se trouvaient d’aller plus loin.

— Je le sais, répondit le jeune homme en soupirant, les pauvres animaux sont presque fourbus, mais qu’y faire ? crevons-les s’il le faut : ceci est une question de vie ou de mort, nous arrêter c’est nous perdre.

— Marchons donc ! quoi qu’il arrive, répondit don Tadeo avec résignation.

— Et puis, continua le jeune homme, une minute de gagnée est énorme pour nous : Louis peut être de retour au point du jour avec le secours que nous attendons ; si nos chevaux avaient été reposés, nous serions arrivés cette nuit même à l’hacienda, mais dans l’état où ils sont, il n’y faut pas songer ; seulement, plus nous irons en avant, plus nous aurons de chances d’échapper à ceux qui nous poursuivent et de rencontrer ceux que nous attendons. Mais pardon, don Tadeo, le chef indien me fait un signe, il a probablement quelque chose d’important à me communiquer.

Il quitta don Tadeo et se rapprocha de l’Ulmen.

— Eh bien ! chef, lui demanda-t-il, qu’avez-vous à me dire ?