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— Oui, grâce au ciel !

— En effet, s’écria la Linda avec joie, l’hacienda de la Paloma ne doit pas être éloignée.

— Et vous croyez que si nous pouvons atteindre cette hacienda…

— Nous serons sauvés, interrompit don Tadeo, car j’ai là cinq cents peones dévoués avec lesquels je ne craindrai pas l’effort d’urne armée indienne tout entière.

— Oh ! fit la Linda, ne perdons pas un instant, don Tadeo, écrivez un mot à votre majordome ; dites-lui dans quelle situation désespérée vous vous trouvez, et ordonnez-lui d’accourir à votre secours avec tous les hommes qu’il pourra rassembler.

— C’est le Ciel qui vous inspire, madame, s’écria don Tadeo avec joie.

— Oh ! répondit la Linda avec une expression impossible à rendre, c’est que moi aussi je veux sauver ma fille !

Doña Rosario fixa sur elle un regard humide de larmes, s’approcha doucement, et lui dit d’une voix pleine de tendresse :

— Merci, ma mère !

Sa fille lui avait pardonné !…

La pauvre femme se laissa tomber à genoux sur la terre, et, joignant les mains, elle rendit grâce au Ciel d’un si grand bonheur.

Cependant don Tadeo avait tracé quelques mots à la hâte sur un papier que lui avait donné le comte.

— Voilà ce que j’écris, dit-il.

— Nous n’avons pas le temps de lire ce billet, il faut qu’il parte à l’instant, répondit vivement le comte ; je me charge de le porter, indiquez-moi seulement le chemin que je dois suivre pour me rendre à l’hacienda.

— Je le connais, dit flegmatiquement Curumilla.

— Vous ! chef ?

— Oui.

— Très bien, en ce cas vous m’accompagnerez ; si l’un de nous reste en route, l’autre le remplacera.

Ooch ! je sais un chemin par lequel nous arriverons en moins de deux heures.

— Partons, alors.

Ils montèrent à cheval.

— Veille sur elle ! dit Louis en serrant la main de son ami.

— Amène le secours ! répondit celui-ci en lui rendant son étreinte.

— J’arriverai ou je serai tué, s’écria le jeune homme avec élan.

Et enfonçant les éperons dans les flancs de leurs chevaux, les deux hommes disparurent dans un nuage de poussière.

Valentin suivit son frère de lait du regard aussi longtemps qu’il put l’apercevoir, puis il se retourna vers Trangoil Lanec.

— Et nous, dit-il, en route ! en route !

— Tout est prêt, répondit le chef.

— Maintenant, dit Valentin en s’adressant à don Tadeo, notre sort est entre les mains de Dieu ; nous avons fait tout ce qu’il était humainement possible