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Cependant les Indiens buvaient toujours.

Les outres se vidaient rapidement.

Bon nombre d’Aucas dormaient déjà plongés dans l’ivresse.

Seuls, Trangoil Lanec et Antinahuel buvaient encore.

Enfin les yeux du toqui se fermèrent malgré lui, il laissa tomber sa tasse de corne, murmura quelques mots entrecoupés et se renversa en arrière.

Il dormait.

Trangoil Lanec attendit quelques instants, surveillant avec soin le camp dans lequel lui seul et les prisonniers ne dormaient pas ; puis, lorsqu’il eut la conviction que tous les Serpents Noirs s’étaient bien réellement laissé prendre au piège qu’il leur avait tendu, il se leva avec précaution, fit un signe d’encouragement aux prisonniers qui fixaient sur lui des regards interrogateurs, et marchant avec la légèreté du guanacco poursuivi par les chasseurs, il disparut dans la forêt.

— Est-ce un ennemi ou un ami ? murmura la Linda avec anxiété.

— Oh ! je connais cet homme depuis longtemps, répondit don Tadeo en lançant un regard d’intelligence à sa fille, c’est un noble cœur ! il est dévoué corps et âme à nos amis.

Un sourire de bonheur glissa sur les lèvres de doña Rosario.




XLI

L’OURAGAN.


Louis n’avait pu se contenir.

Au lieu d’attendre, il avait persuadé à Valentin et à Curumilla de le suivre.

Tous trois s’étaient avancés en se glissant à travers les broussailles et les halliers, jusqu’à une vingtaine de pas tout au plus du champ des Indiens, si bien qu’à sa sortie Trangoil Lanec les avait presque immédiatement rencontrés.

— Eh bien ? demanda le comte avec anxiété.

— Tout est bien, venez.

Le chef rebroussa chemin aussitôt et guida ses amis vers les prisonniers.

À la vue des quatre hommes, un sourire d’une ineffable douceur éclaira le charmant visage de doña Rosario.

Elle laissa échapper un cri de joie réprimé aussitôt par la prudence.

Don Tadeo se leva, il s’avança d’un pas ferme vers ses libérateurs qu’il remercia chaleureusement.

— Caballero, répondit le comte qui était sur des charbons ardents, hâtons-nous, ces hommes ne tarderont pas à s’éveiller, tâchons de mettre la plus grande distance entre eux et nous.