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fit un signe, la troupe s’arrêta ; un chasqui s’approcha de Antinahuel et de ses Umènes qui s’étaient groupés pour le recevoir.

Le héraut s’arrêta devant les chefs et les salua respectueusement :

— Toqui des quatre Utal-Mapus, dit-il d’une vois haute, et vous, Ulmènes qui m’écoutez, le Loup-Cervier, le vénéré Apo-Ulmen d’Arauco, suivi de six Ulmènes non moins célèbres que lui, vous sont envoyés pour vous enjoindre d’obéir aux ordres émanés du suprême auca-coyog réuni, il y a deux jours, sur les rives du Carampangue auprès de l’endroit où il reçoit la rivière Rouge, à la face du soleil. Le feu du conseil sera allumé en dehors de votre camp, je vous enjoins de vous y rendre.

Après avoir parlé ainsi, le héraut fit un salut respectueux et se retira.

Antinahuel et ses Ulmènes se regardèrent avec étonnement, ils ne comprenaient rien à ce qui se passait.

Le toqui seul soupçonnait intérieurement une trahison tramée contre lui ; mais son visage demeura impassible et il engagea les Ulmènes à l’accompagner auprès du feu du conseil, qui avait effectivement été allumé en dehors du camp par les soins du Loup-Cervier.

La façon dont la proclamation avait été faite, semblait dénoncer des projets hostiles ; mais il ne resta plus aucun doute au toqui sur les intentions des arrivants, lorsqu’il vit que les sept délégués avaient mis seuls pied à terre et que les guerriers étaient demeurés à cheval et rangés en bataille.

Les chefs se saluèrent cérémonieusement et prirent place autour du feu.

Au bout d’un instant le Loup-Cervier se leva, fit deux pas en avant, prit la parole et parla ainsi :

— Le grand auca-coyog d’Arauco, au nom du peuple, à toutes personnes qui sont à la tête des guerriers, salut. Certains que tous nos compatriotes gardent la foi en Pillian, nous leur souhaitons la paix en ce génie du bien, en qui résident seul la vraie santé et la sainte obéissance[1].

« Voici ce que nous avons résolu : la guerre est venue inopinément fondre sur nos riches campagnes et les changer en déserts, nos moissons ont été foulées aux pieds des chevaux, nos bestiaux tués ou emmenés par l’ennemi, nos récoltes sont perdues, nos toldos brûlés, nos femmes et nos enfants ont disparu dans la tempête. Nous ne voulons plus de guerre, la paix doit être immédiatement conclue avec les faces pâles ; le Loup-Cervier et six Ulmènes communiqueront nos volontés au grand toqui ; j’ai dit : ai-je bien parlé, hommes puissants ?

Un profond silence suivit ce discours, les Ulmènes de Antinahuel, frappés de stupeur, regardaient leur chef avec inquiétude.

Le toqui laissa errer un sourire sardonique sur ses lèvres.

  1. Afin de donner à nos lecteurs un aperçu de la langue des Araucans, nous traduirons la première phrase de ce discours ; phrase qui commence invariablement toutes les communications faites par ambassadeurs :

    Eyappo tagni auca-coyog Arauco carapec Wilmen gueguly mappu ranco fringen. Carah nich fringen, fenten te panlew pepe le pally cerares fringeny caki mappuch hyly eluar rupo gne su niguam caaket pu winca ; ingufrulla Phillian gnegi tokki el men marry-marry piamigne gi mew piami.