Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Seul, don Tadeo chercha vainement le sommeil, une trop poignante inquiétude le dévorait pour qu’il lui fût possible de fermer les yeux.

Assis au pied d’un arbre, la tête inclinée sur la poitrine, il passa la nuit tout entière à réfléchir profondément aux événements étranges qui, depuis quelques mois, étaient venus l’assaillir. La pensée de sa fille mettait le comble à sa douleur : malgré l’espoir dont il cherchait à se leurrer, sa position était trop désespérée pour qu’il pût se laisser aller complètement à croire qu’il lui fût possible d’en sortir.

Parfois le souvenir des deux Français qui déjà lui avaient donné tant de preuves de dévouement, traversait sa pensée ; mais malgré tout leur courage, en supposant que ces hommes audacieux parvinssent à découvrir ses traces, que pourraient-ils faire ? seuls contre tant d’ennemis, cette lutte serait insensée, impossible, ils succomberaient sans le sauver !

Le lever du soleil trouva don Tadeo plongé dans ces tristes pensées, sans que le sommeil eût une seconde clos ses paupières fatiguées.

Cependant tout était en rumeur dans le camp ; les chevaux furent sellés, et après un repas fait à la hâte, le voyage continua.

Cette journée s’écoula sans aucun incident digne d’être rapporté.

Le soir on campa, de même que la veille, sur le sommet d’une colline ; seulement, comme les Araucans se savaient à l’abri d’une surprise, ils ne prirent pas d’aussi grandes précautions que la nuit précédente pour leur sûreté, bien que cependant il s élevassent des retranchements.

Don Tadeo, vaincu enfin par la fatigue, tomba dans un sommeil de plomb, dont il ne sortit qu’au moment du départ.

Antinahuel avait, le soir précédent, expédié un exprès en avant ; cet homme rejoignit le camp à l’instant où la troupe reprenait sa marche.

Il parait qu’il était porteur d’une bonne nouvelle, car en écoutant son rapport, le chef sourit à plusieurs reprises.

Puis, sur un signe de Antinahuel, toute la troupe s’élança au galop, s’enfonçant de plus en plus dans les montagnes.




XXXV

L’ULTIMATUM.


Antinahuel avait rejoint depuis deux jours déjà les mosotones auxquels il avait confié la garde de doña Rosario.

Les deux troupes étaient confondues en une seule.

Le toqui avait eu d’abord l’intention de traverser les premiers plateaux des Andes et de se retirer chez les Puelches.

Mais la bataille qu’il avait perdue avait eu pour les Araucans des conséquences terribles.