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Le manque d’air avait seul causé l’évanouissement de don Tadeo ; dès qu’il put respirer librement il ouvrit les yeux.

À cet heureux résultat, un sourire d’une expression indéfinissable éclaira une seconde les traits du toqui.

Don Tadeo promena un regard étonné sur les assistants et parut tomber dans de profondes réflexions ; cependant peu à peu le souvenir lui revint, il se rappela les événements qui avaient eu lieu, et comment il se trouvait au pouvoir du chef aucas.

Alors il se leva, croisa les bras sur la poitrine, et regardant fixement le carasken, — grand chef, — il attendit.

Celui-ci s’approcha.

— Mon père se sent-il mieux ? lui demanda-t-il.

— Oui, répondit laconiquement don Tadeo.

— Ainsi nous pouvons repartir ?

— Est-ce donc à moi à vous donner des ordres ?

— Non. Cependant, si mon père n’était pas assez remis pour remonter à cheval, nous attendrions encore quelques instants.

— Oh ! oh ! fit don Tadeo, vous êtes devenu bien jaloux du soin de ma santé.

— Oui, répondit Antinahuel, je serais désespéré qu’il arrivât malheur à mon père.

Don Tadeo haussa les épaules avec dédain.

Antinahuel reprit :

— Nous allons partir. Mon père veut-il me donner sa parole d’honneur de ne pas chercher à fuir ? je le laisserai libre parmi nous.

— Aurez-vous donc foi en ma parole, vous qui faussez continuellement la vôtre ?

— Moi, répondit le chef, je ne suis qu’un pauvre Indien, au lieu que mon père est un caballero, ainsi que disent les hommes de sa nation.

— Avant que je vous réponde, dites-moi d’abord où vous me conduisez ?

— J’emmène mon père chez les Puelches, mes frères, au milieu desquels je me réfugie avec les quelques guerriers qui me restent.

Un sentiment de joie fit bondir le cœur du prisonnier, il pressentit que bientôt il reverrait sa fille.

— Combien de temps doit durer ce voyage ? demanda-t-il.

— Trois jours seulement.

— Je vous donne ma parole d’honneur de ne pas chercher à fuir avant trois jours.

— Bon, répondit le chef d’un ton solennel, je vais serrer la parole de mon père dans mon cœur, je ne la lui rendrai que dans trois jours.

Don Tadeo s’inclina sans répondre.

Antinahuel lui montra un cheval du geste.

— Lorsque mon père sera prêt, nous partirons, dit-il.

Don Tadeo se mit en selle, le toqui l’imita, et la troupe repartit à fond de train.

Cette fois don Tadeo était libre, il respirait à pleins poumons, ses regards