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qui se soutenaient mutuellement et derrière lesquels, un peu en arrière, était placée une nombreuse cavalerie en réserve.

Les Araucans avaient donc à lutter contre douze carrés d’infanterie qui les enveloppaient de toutes parts.

— Eh bien ! demanda Valentin à don Tadeo, dès qu’ils furent arrivés à leur poste de combat, la bataille ne va-t-elle pas commencer ?

— Bientôt, reprit celui-ci, et soyez tranquille, elle sera rude.

Le dictateur leva alors son épée.

Les tambours roulèrent, les clairons sonnèrent la charge et l’armée chilienne s’ébranla en avant au pas accéléré, l’arme au bras.

Le signal de la bataille donné, les Araucans s’avancèrent résolument en poussant des cris effroyables.

Dès que leurs ennemis furent arrivés à une légère distance, les lignes chiliennes s’ouvrirent, une décharge d’artillerie à mitraille éclata avec fracas et balaya les premiers rangs aucas ; puis les carrés se refermèrent subitement et les soldats attendirent sur trois rangs, la baïonnette croisée, le choc de leurs adversaires.

Ce choc fut terrible.

Les Aucas, décimés par l’artillerie qui ravageait leurs rangs, de front, sur les flancs et en arrière, firent face de tous les côtés à la fois et se ruèrent avec furie sur les baïonnettes chiliennes, faisant des efforts surhumains pour rompre les rangs ennemis et pénétrer dans les carrés.

Bien qu’ils sussent que ceux qui occupaient le premier rang de leur armée étaient exposés à une mort certaine, ils cherchaient à l’envi à s’y placer.

Aussitôt que le premier rang succombait sous les balles, le second et le troisième le remplaçaient résolument, s’avançant toujours afin d’en venir à l’arme blanche

Cependant ces sauvages guerriers savaient se contenir dans leur emportement : ils suivaient exactement et rapidement les ordres de leurs Ulmènes, exécutant avec la plus grande régularité les diverses évolutions qui leur étaient commandées.

Ils arrivèrent ainsi sur les carrés sous le feu incessant de l’artillerie, qui ne parvint pas à les faire hésiter. Malgré les décharges à bout portant de la mousqueterie qui les écharpait, ils se précipitèrent avec furie sur les premiers rangs chiliens qu’ils attaquèrent enfin à l’arme blanche.

Manière de combattre qu’ils préfèrent et que les hommes armés de massues garnies de fer rendent effroyable par la rapidité de leurs mouvements, la pesanteur et la sûreté des coups qu’ils portent.

La cavalerie chilienne les prit alors d’écharpe et poussa contre eux une charge à fond.

Mais le général Bustamente avait deviné ce mouvement ; de son côté il exécuta la même manœuvre, les deux cavaleries se heurtèrent avec un bruit semblable à celui du tonnerre.

Calme et froid en tête de son escadron, le général chargeait le sabre au fourreau, en homme qui a fait le sacrifice de sa vie et ne se soucie même pas de la défendre.