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éviter, c’est-à-dire qu’il s’était trouvé pris entre trois corps d’armée, qui s’étaient peu à peu resserrés sur lui, et avaient fini par le mettre dans la fâcheuse obligation, non pas de combattre sur son propre terrain, mais sur celui qu’il plairait à l’ennemi de choisir.

Don Gregorio Peralta lui fermait le passage du côté de la mer, don Tadeo de Leon du côté d’Arauco, et le général Fuentès défendait l’approche des montagnes et gardait la ligne du Biobio.

Toutes les marches et les contremarches qui avaient abouti à ce résultat avaient duré une quinzaine de jours, pendant lesquels tout s’était passé en légères escarmouches et en combats de grand’gardes et d’avant-postes, mais sans engagements sérieux.

Don Tadeo voulait frapper un grand coup, terminer la guerre en une seule bataille.

Le jour où nous reprenons le cours de notre récit, les Araucans et les Chiliens étaient enfin en présence.

Les avant-postes des deux armées se trouvaient presque à portée de fusil.

Une bataille était imminente pour le lendemain.

Don Tadeo de Leon, renfermé dans sa tente avec don Gregorio Peralta, le général Fuentès et plusieurs autres officiers supérieurs de son état-major, leur donnait ses derniers ordres, lorsqu’un appel de trompettes se fit entendre au dehors.

Les Chiliens répondirent aussitôt ; un aide de camp entra dans la tente et annonça que le grand toqui des Araucans demandait une entrevue au général en chef de l’armée chilienne.

— N’y allez pas, don Tadeo, dit le général Fuentès, vieux soldat de la guerre de l’indépendance, qui haïssait cordialement les Indiens ; c’est quelque fourberie que ces démons ruminent.

— Je ne suis pas de votre avis, général, répondit le dictateur ; je dois, comme chef, chercher autant que possible à empêcher l’effusion du sang, c’est mon devoir, rien ne m’y fera manquer ; seulement, comme l’humanité n’exclut pas la prudence, je ne vous empêche pas de prendre toutes les précautions qui vous paraîtront nécessaires pour assurer ma sûreté.

Caspita ! fit don Gregorio d’un ton bourru, vous voudriez nous en empêcher que nous les prendrions malgré vous.

Et il sortit en haussant les épaules.

Le lieu choisi pour la conférence était une légère éminence située juste entre les deux camps.

Un drapeau chilien et un drapeau araucan furent plantés à vingt pas de distance l’un de l’autre ; au pied de ces drapeaux quarante lanciers aucas d’un côté ; pareil nombre de soldats chiliens armés de fusils se placèrent face à face, accompagnés d’un trompette, de l’autre.

Lorsque ces diverses précautions furent prises, don Tadeo, suivi de deux aides de camp, s’avança vers Antinahuel, qui venait au-devant de lui avec deux Ulmènes.

Arrivés auprès de leurs soldats respectifs, les deux chefs donnèrent