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Les Aucas arrivaient en poussant de grands cris.

Encore quelques minutes et il retombait dans leurs mains.

Tout à coup, saisissant une forte branche d’un arbre incliné sur la plaine, il grimpa après avec l’adresse et la vélocité d’un chat-pard en laissant son cheval continuer seul sa course.

Les guerriers poussèrent un cri d’admiration et de désappointement à la vue de ce tour de force.

Leurs chevaux lancés à fond de train ne purent être arrêtés de suite, ce qui donna à l’intrépide Indien le temps de s’enfoncer dans les broussailles et de gravir en courant la crête de la montagne.

Cependant les Aucas n’avaient pas renoncé à reprendre leur prisonnier.

Ils abandonnèrent leurs chevaux au pied de la montagne, et une dizaine des plus agiles et des plus animés se mirent sur la piste de Joan.

Mais celui-ci avait maintenant de l’espace devant lui.

Il continua à monter en s’accrochant des pieds et des mains, ne s’arrêtant que le temps strictement nécessaire pour reprendre haleine.

Un frisson de terreur parcourut ses membres ; il vit que cette lutte surhumaine qu’il soutenait si énergiquement allait se terminer par sa captivité.

Ses ennemis avaient modifié leur tactique : au lieu de courir tous sur ses traces ils s’étaient dispersés, s’élargissant en éventail, et formaient un large cercle, dont le malheureux Joan était le centre et qui se rétrécissait de plus en plus autour de lui ; tout était fini, il allait infailliblement être pris comme une mouche dans une toile d’araignée.

Il comprit qu’une plus longue lutte était inutile, que cette fois il était bien réellement perdu.

Sa résolution fut prise aussitôt.

Il s’adossa à un arbre, sortit son poignard de sa poitrine, déterminé à tuer le plus d’ennemis qu’il pourrait et à se tuer enfin lui-même lorsqu’il se verrait sur le point d’être accablé par le nombre.

Les Aucas arrivaient haletants de cette rude course, brandissant leurs lances et leurs massues avec des cris de triomphe.

En apercevant l’Indien qui fixait sur eux des yeux ardents, les guerriers s’arrêtèrent une seconde comme pour se consulter, puis ils se précipitèrent vers lui tous à la fois.

Ils n’étaient qu’à cinquante pas au plus.

En ce moment suprême, Joan entendit une voix basse comme un souffle qui prononça à son oreille ces trois mots :

— Baissez la tête.

Il obéit, sans se rendre compte de ce qui se passait autour de lui, ni d’où lui venait cette recommandation.

Quatre coups de feu éclatèrent avec fracas et quatre guerriers indiens roulèrent sans vie sur le sol.

Rendu à lui-même par ce secours inespéré, Joan bondit en avant et poignarda un de ses adversaires, tandis que quatre nouveaux coups de feu en couchaient quatre autres sur la terre.

Ceux qui survivaient, épouvantés de ce massacre, se ruèrent en désordre