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forcées attaquer Arauco, la capitale de nos ennemis ; cette expédition, dont le seul but est de diviser les forces de nos adversaires, ne devra être faite que de façon à les obliger à y expédier des renforts importants. Une seconde division, composée de tous les hommes de la province en état de porter les armes, se rendra sur le Biobio, afin de tendre la main aux troupes de la province de Concepcion et de mettre ainsi les Araucans entre deux feux.

— Mais, objecta un officier supérieur, permettez, don Tadeo, il me semble que dans votre plan, fort bon, du reste, vous oubliez une chose à mon avis très importante.

— Laquelle, monsieur ?

— Mais la province de Valdivia, donc ? n’est-elle pas plus qu’une autre exposée à une malocca ?

— Vous vous trompez, monsieur ; voici pourquoi : c’est que vous rattachez les événements qui vont s’y passer à ceux qui les ont précédés.

— Sans doute.

— Voici où est l’erreur : lorsque don Pancho Bustamente s’est fait proclamer à Valdivia, il avait pour cela une raison : cette province est éloignée, isolée, le général espérait en faire son dépôt de guerre et s’y établir solidement, grâce à ses alliés indiens, puis sortir de cette ville pour conquérir peu à peu le reste du territoire ; ce plan était parfaitement conçu, il offrait de grandes chances de réussite, mais aujourd’hui la question est complètement changée : le général ne s’appuie plus sur le pays, la guerre régulière lui est impossible, c’est dans la capitale qu’il doit faire et qu’il tentera la révolution qu’il médite. À mon avis, il faut lui barrer le chemin de la capitale et le contraindre à accepter la bataille sur le territoire araucan. Quant à la province de Valdivia, elle n’est nullement menacée ; seulement, comme dans de telles circonstances on ne saurait user de trop de prudence, une milice civile sera instituée afin de défendre ses foyers : voici, caballeros, le plan que je vous propose.

Il n’y eut qu’un cri dans toute l’assemblée pour approuver ce plan si simple.

— Ainsi, messieurs, reprit don Tadeo après un instant, ce plan vous convient ? vous l’adoptez ?

— Oui, oui, s’écria-t-on de toutes parts.

— Bien ! maintenant, passons à l’exécution : don Gregorio Torral, vous prendrez le commandement des troupes destinées a agir contre Arauco, sous ce pli je vous donnerai vos instructions particulières.

Don Gregorio s’inclina.

— Je conserve pour moi, continua don Tadeo, la direction de l’armée du Biobio. Ce matin, au point du jour, monsieur l’alcade mayor, vous ferez publier un bando dans toutes les rues de la ville, annonçant que des enrôlements volontaires à une demi-piastre par jour sont ouverts ; vous établirez des bureaux dans tous les quartiers ; ce que je vous ordonne pour Valdivia doit avoir lieu dans le reste de la province. Vous, colonel Gutierez, dit don Tadeo en s’adressant à un officier supérieur qui se tenait auprès de lui, je vous nomme gouverneur de la province, votre premier soin doit être d’organiser la