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sées que pour s’encourager à supporter patiemment celles qui les attendaient encore.

Il était sept heures du matin. Accroupis devant le brasier, ils fumaient en silence, lorsque Valentin prit la parole :

— Nous avons eu tort cette nuit, dit-il, de laisser partir don Tadeo.

— Pourquoi cela ? lui demanda Louis.

— Mon Dieu, nous étions en ce moment sous le coup d’une impression terrible, nous n’avons pas réfléchi à une chose qui me revient en ce moment.

— Laquelle ? — Celle-ci : dès que don Tadeo aura accompli les devoirs de bon citoyen, auxquels l’oblige son patriotisme éprouvé, il est évident pour nous tous qu’il résignera immédiatement un pouvoir qu’il n’a accepté qu’à son corps défendant.

— C’est évident.

— Quel sera alors son plus vif désir ?

— Pardieu ! celui de se mettre à la recherche de sa fille, dit vivement Louis.

— Ou de nous rejoindre.

— C’est la même chose.

— D’accord ; mais là surgira devant lui un obstacle infranchissable qui l’arrêtera net.

— Lequel ?

— Un guide qui puisse le conduire auprès de nous.

— C’est vrai ! s’écrièrent les quatre hommes avec stupeur.

— Comment faire ? demanda Louis.

— Heureusement, continua Valentin, qu’il n’est pas trop tard encore pour réparer notre oubli. Don Tadeo a besoin avec lui d’un homme qui lui soit entièrement dévoué, qui connaisse à fond les parages que nous nous proposons de parcourir, qui nous suive, en quelque sorte, à la piste comme un fin limier, n’est-il pas vrai ?

— Oui, fit Trangoil Lanec avec un geste affirmatif.

— Eh bien ! reprit Valentin, cet homme, c’est Joan.

— C’est juste, observa l’Indien, moi je serai le guide.

— Joan va nous quitter, je lui donnerai une lettre que Louis écrira, et dans laquelle j’instruirai don Tadeo de la mission dont notre ami se charge auprès de lui.

— Bon ! fit Curumilla, notre ami pense à tout ; que don Luis dessine le collier — lettre.

— Eh mais ! s’écria joyeusement Valentin, à présent que j’y songe, il vaut mieux que cette idée ne me soit venue que ce matin.

— Pourquoi donc ? dit Louis avec étonnement.

— Parce que ce pauvre don Tadeo sera tout heureux de recevoir de nous ce mot qui lui prouvera que nous ne le négligeons pas, et que nous prenons ses intérêts à cœur.

— C’est vrai, dit le comte.

— N’est-ce pas ? eh bien ! écris, frère.