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Le sénateur ne savait pas s’il devait en croire ses oreilles, mais à tout hasard il saisit avec empressement cette main qui lui était tendue et la secoua de toutes ses forces.

Antinahuel sourit avec mépris au dénoûment de cette scène dont, malgré toute son astuce, il ne devina pas la portée.

— S’il en est ainsi, dit-il, je vous Laisse ensemble, il est inutile d’attacher ce prisonnier.

— Parfaitement inutile, appuya don Pancho.

— Oui, fit le toqui, je vois que vous vous entendez.

— On ne peut pas mieux, chef, on ne peut pas mieux, reprit le général avec un sourire d’une expression indéfinissable.

Antinahuel se retira.

Sitôt qu’il fut seul avec la Linda et le général, don Ramon ne mit plus de bornes à sa reconnaissance.

— Oh ! mes chers bienfaiteurs, s’écria-t-il avec enthousiasme, en s’élançant vers eux.

— Un instant, caballero, s’écria don Pancho, nous avons à causer, maintenant.

Le sénateur s’arrêta tout interdit.

— Avez-vous donc supposé, dit la Linda, qu’un plat coquin de votre espèce puisse nous inspirer la moindre pitié ?

— Mais, continua le général, nous avons tenu à être les seuls à disposer de vous.

— Vous reconnaissez, n’est-ce pas, reprit la Linda, que vous êtes bien réellement en notre pouvoir, et que si nous voulons vous tuer, cela nous est facile ?

Le sénateur resta anéanti.

— Maintenant, ajouta le général, répondez catégoriquement aux questions qui vous seront adressées ; je dois vous avertir qu’un mensonge ferait tomber votre tête.

Un nouveau tremblement agita le sénateur.

— Comment vous trouvez-vous ici ?

— Oh ! d'une manière bien simple, général, je viens à l’instant d’être surpris par les Indiens.

— Où alliez-vous ?

— À Santiago.

— Seul ?

— Non pas, diable ! j’avais une escorte de cinquante cavaliers. Hélas ! ajouta-t-il avec un soupir, ce n’était pas assez.

Au mot d’escorte, le général et la Linda se lancèrent un coup d’œil d’intelligence.

Don Pancho continua son interrogatoire.

— Qu’alliez-vous faire à Santiago ? — Hélas ! je suis fatigué de la politique, mon intention était de me retirer dans ma quinta de Cerro Azul, au milieu de ma famille.

— Vous n’aviez pas d’autre but ? demanda le général.