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— Eh bien ! lui demanda vivement Valentin, que se passe-t-il ? pourquoi cet air joyeux répandu sur votre visage ?

— Curumilla est un chef prudent, répondit Joan, il a brûlé la forêt derrière les rochers.

— Quel si grand avantage cet incendie nous procure-t-il donc ?

— Un immense. Les guerriers de Antinahuel étaient embusqués à l’abri des arbres, ils ont été obligés de se retirer ; à présent, la route est libre, nous pouvons joindre nos amis quand nous voudrons.

— Allons ! alors ! s’écria Valentin.

— Et Curumilla ? demanda Trangoil Lanec, comment l’avertir de notre présence ?

— Je l’ai averti, reprit Joan : il a aperçu mon signal, il nous attend.

— Ces diables d’Indiens pensent à tout, se dit Valentin en mordillant sa moustache ; allons, viens, César, viens, mon bon chien. Ce sera malheureux si, avec le concours de ces trois hommes résolus, je ne parviens pas à sauver mon pauvre Louis. L’horizon se rembrunit d’une furieuse façon, ajouta-t-il, bigre ! il faut faire attention à ne pas laisser sa peau ici.

Et, suivi de César, qui le regardait en remuant la queue et semblait comprendre les pensées qui attristaient son maître, tant son regard était expressif, il se mit à marcher derrière Trangoil Lanec qui, lui, marchait pour ainsi dire dans les pas de Joan. Vingt minutes plus tard, sans avoir été inquiétés, ils se trouvaient au pied des rochers, du haut de la plate-forme desquels don Tadeo et Curumilla leur faisaient de joyeux signaux de bienvenue.




XVIII

DANS LA GUEULE DU LOUP.


Nous sommes forcé d’interrompre notre récit, afin de raconter différents incidents qui étaient arrivés dans le camp des Aucas, à la suite du combat livré aux Espagnols dans le défilé.

Les hommes embusqués au sommet des rochers leur avaient fait souffrir des pertes sensibles.

Les principaux chefs araucaniens, échappés sains et saufs à la lutte acharnée du matin, avaient été grièvement blessés, frappés par des mains invisibles.

Le général Bustamente, jeté à bas de son cheval, avait reçu une balle qui, heureusement pour lui, n’avait fait qu’entamer assez légèrement les chairs.

Les Araucans, furieux de cette attaque à laquelle ils étaient loin de s’attendre, et dans le premier paroxysme de la colère, avaient juré de se venger sans désemparer.

Résolution qui mettait les aventuriers dans une position fort critique.

Le général Bustamente avait été enlevé évanoui du champ de bataille et caché dans les bois, ainsi que la Linda.