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Ces rochers avaient de loin une ressemblance frappante avec une tour, leur hauteur totale était de trente pieds.

Complètement isolés sur la pente rapide du précipice, on ne pouvait arriver à leur sommet qu’en s’aidant des pieds et des mains.

En un mot, c’était une véritable forteresse, du haut de laquelle on aurait au besoin pu soutenir un siège.

— Quelle belle position ! observa don Tadeo.

— Hâtons-nous de nous en emparer, répondit le comte.

Ils mirent pied à terre.

Curumilla débarrassa les chevaux de leurs harnais et les chassa dans les bois, certain que les intelligents animaux ne s’éloigneraient pas, et qu’il les retrouverait quand il en aurait besoin.

Louis et don Tadeo escaladaient déjà la masse de rochers.

Curumilla allait suivre leur exemple, lorsqu’un certain mouvement se fit dans le feuillage, les taillis s’agitèrent et un homme parut.

L’Ulmen s’était vivement abrité derrière un arbre en armant son fusil.

L’homme qui venait d’arriver si inopinément avait son fusil rejeté en arrière, il tenait à la main une épée rougie jusqu’à la poignée, qui montrait qu’il s’était bravement battu.

Il courait en regardant de tous les côtés, non comme un homme qui fuit, mais au contraire comme s’il cherchait quelqu’un.

Curumilla poussa une exclamation de surprise, quitta son abri provisoire et s’avança vers le nouveau venu.

Au cri du chef, l’Indien se retourna, une expression de joie se peignit sur son visage.

— Je cherchais mon père, dit-il vivement.

— Bon, répondit Curumilla, me voici.

Le bruit du combat croissait d’instant en instant et semblait se rapprocher de plus en plus.

— Que mon fils me suive, dit Curumilla, nous ne pouvons rester là.

Les deux Indiens escaladèrent alors les rochers au sommet desquels don Tadeo et le jeune comte étaient déjà parvenus.

Par un hasard étrange, le sommet de cette masse de rochers, large d’environ vingt pieds carrés, contenait une grande quantité de pierres qui, entassées sur le bord de la plate-forme, offraient un abri sûr derrière lequel on pouvait facilement tirer à couvert.

Les deux blancs furent surpris de la présence du nouveau venu, qui n’était autre que Joan ; mais le moment n’était pas propice pour demander une explication, les quatre hommes se hâtèrent d’installer leurs parapets.

Ce travail terminé, ils se reposèrent.

Ils étaient quatre hommes résolus, armés de fusils, abondamment fournis de munitions. Les vivres ne leur manquaient pas, ce qui rendait leur position excellente.

Ils pouvaient tenir pendant au moins huit jours contre un nombre considérable d’assaillants.

Chacun s’assit alors sur une pierre et on procéda à l’interrogatoire de Joan,