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ichella couvrait ses épaules et se croisait sur sa poitrine, où il était serré au moyen d’une boucle d’argent qui servait aussi à retenir la ceinture de sa tunique.

Ses longs cheveux, noirs comme l’aile du corbeau, partagés en huit tresses, tombaient sur ses épaules et étaient ornés d’une profusion de lianca ou fausses émeraudes ; elle avait des colliers et des bracelets faits avec des perles de verre soufflé, ses doigts étaient garnis d’une infinité de bagues d’argent, et à ses oreilles pendaient des boucles de forme carrée faites du même métal.

Tous ces joyaux sont fabriqués en Araucanie par les Indiens eux-mêmes.

Dans ce pays, les femmes portent très loin le luxe de la parure, même les plus pauvres possèdent des bijoux ; aussi calcule-t-on que plus de cent mille marcs d’argent sont employés à ces ornements féminins, somme énorme, dans une contrée où le commerce ne consiste généralement que dans l’échange d’une denrée contre une autre, et où la monnaie est presque inconnue et par cela même fort recherchée.

Dès que cette femme ouvrit la porte, César se précipita si violemment dans l’intérieur de la hutte qu’il manqua de renverser l’Indienne. Elle trébucha et fut obligée de se retenir au mur.

Les deux hommes la saluèrent poliment et s’excusèrent de leur mieux de la brutalité du chien, que son maître sifflait vainement et qui s’obstinait à ne pas revenir.

— Je sais ce qui trouble ainsi cet animal, dit doucement la femme ; mes frères sont voyageurs, qu’ils entrent dans ce pauvre toldo qui leur appartient, leur esclave les servira.

— Nous acceptons l’offre bienveillante de ma sœur, répondit Trangoil Lanec. Le soleil est chaud ; puisqu’elle le permet, nous nous reposerons et nous nous rafraîchirons quelques instants.

— Mes frères sont les bienvenus, ils resteront sous mon toit tout le temps que cela leur conviendra.

Après ces paroles, la maîtresse de la hutte s’effaça afin de livrer passage aux étrangers.

César était couché au milieu du cuarto, le museau à terre, il sentait et grattait en poussant des gémissements sourds ; en apercevant son maître il courut vers lui en remuant la queue, lui fit une caresse et reprit immédiatement sa première position.

— Mon Dieu ! murmura Valentin avec inquiétude, que s’est-il donc passé ici ?

Sans rien dire, Trangoil Lanec avait été se placer auprès du chien, s’était étendu à terre et, l’œil fixé sur le sol, l’explorait avec attention.

La femme, dès que ses hôtes avaient été dans la hutte, les avait laissés seuls, afin de leur préparer des rafraîchissements.

Au bout d’un moment, le chef se leva et s’assit silencieusement auprès de Valentin.

Celui-ci, voyant que son compagnon s’obstinait à ne pas parler, lui adressa la parole.

— Eh bien ! chef, lui demanda-t-il, quoi de nouveau ?