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— Mon père est satisfait de son expédition ?

— J’en suis satisfait.

— Tant mieux que mon père ait réussi.

— Qu’a fait mon fils pendant mon absence ?

— J’ai exécuté les ordres de mon père.

— Tous ?

— Tous.

— Bon ! Mon fils n’a pas reçu de nouvelles des visages pâles ?

— Si.

— Quelles sont-elles ?

— Une forte quantité de Chiaplos se prépare à quitter Valdivia pour se rendre à Santiago.

— Bon ! Dans quel but ? mon fils le sait-il ?

— Je le sais.

— Que mon fils me le dise.

Ils mènent à Santiago le prisonnier qu’ils nomment le général Bustamente.

Antinahuel tourna la tête vers la Linda et échangea avec elle un coup d’œil d’intelligence.

— Pour quel jour les Huincas ont-ils fixé leur départ de Valdivia ?

— Ils se mettront en route après-demain à l'endit-kà — lever du soleil.

Antinahuel réfléchit quelques instants.

— Voici ce que fera mon fils, dit-il : dans deux heures il lèvera son camp de la plaine, et avec tous les guerriers qu’il pourra rassembler, il se dirigera vers le canon del Rio Seco, où je vais aller l’attendre ; mon fils a bien compris ?

— Oui, fit le Cerf Noir en baissant affirmativement la tête.

— Bon ! Mon fils est un guerrier expérimenté, il exécutera mes ordres avec intelligence.

Le vice-toqui sourit de plaisir à cet éloge de son chef, qui n’avait pas l’habitude de les prodiguer : après s’être respectueusement incliné devant lui, il fit exécuter une volte gracieuse à son cheval et repartit vers les siens.

Antinahuel, au lieu de s’avancer plus longtemps dans la direction qu’il suivait, obliqua légèrement à droite et reprit au grand trot le chemin des montagnes avec ses mosotones.

Après avoir marché quelque temps silencieusement à côté de doña Maria, qui, depuis sa dernière observation, se gardait bien de lui adresser la parole, il se tourna gracieusement vers elle :

— Ma sœur a-t-elle compris la teneur de l’ordre que je viens de donner ? lui demanda-t-il.

— Non, répondit-elle avec une légère teinte d’ironie, ainsi que l’a fort bien remarqué mon frère, je ne suis pas soldat et, par conséquent, je ne me reconnais pas apte à juger ses préparatifs militaires.

Le chef sourit avec orgueil.

— Ceux-ci sont bien simples, reprit-il avec une espèce de condescendance hautaine, le canon del Rio Seco est un étroit délilé que les visages pâles sont obligés de traverser pour se rendre à Santiago, et dans lequel cinquante guer-