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— Que faites-vous de cette enfant ?

— Elle reste ici ; j’ai pourvu à tout.

— Partons, alors, et se tournant vers doña Rosario : Au revoir, señorita, lui dit-elle avec un sourire méchant.

Doña Rosario se leva comme poussée par un ressort, et lui saisissant les bras :

— Madame, lui dit-elle d’une voix triste, je ne vous maudis pas. Dieu veuille, si vous avez des enfants, qu’ils ne soient jamais exposés à souffrir les tortures auxquelles vous m’avez condamnée !

À cette parole qui lui brûla le cœur comme un fer rouge, la Linda poussa un cri de terreur, une sueur froide inonda son front pâli et elle sortit de la salle en trébuchant.

Antinahuel la suivit.

Bientôt le bruit des chevaux qui s’éloignaient apprit à la jeune fille que ses ennemis s’étaient éloignés et qu’enfin elle se trouvait seule.

La pauvre enfant, libre de se livrer à sa douleur, fondit en larmes et laissa tomber sa tête dans ses mains en s’écriant avec désespoir :

— Ma mère ! ma mère ! si vous vivez encore où êtes-vous donc ? que vous n’accourez pas au secours de votre fille.




VII

PRÉPARATIFS DE DÉLIVRANCE


Nous avons annoncé plusieurs fois déjà dans le cours de cet ouvrage, et si nous y revenons encore ce n’est pas sans intention, que la République araucanienne était une puissance parfaitement organisée et non pas un ramassis de tribus sauvages, ainsi que la plupart des auteurs se sont jusqu’à ce jour plu à représenter ce peuple. Nous allons, dans ce chapitre, donner un aperçu de ce système militaire qui corroborera par des faits l’opinion que nous soutenons.

Nous le répétons, pour juger ce peuple, il ne faut pas se placer au point de vue de notre civilisation européenne, mais établir simplement un point de comparaison entre lui et les nations qui l’entourent.

Il est certain qu’à l’époque de la découverte de l’Amérique et de la conquête du Mexique et du Pérou, les Mexicains et les Péruviens jouissaient d’une civilisation au moins aussi avancée que celle de leurs conquérants ; que chez eux, les arts et les sciences avaient acquis un certain développement que le système odieusement barbare, inauguré par les Espagnols, a seul entravé, et que si ces peuples sont retombés dans l’état sauvage, c’est la faute de leurs conquérants qui ont pris à tâche de les abrutir et de les prolonger dans les ténèbres où ils croupissent maintenant.